Le don de spermatozoïdes ou d’ovocytes est un sujet un peu tabou en France. Et il y a également de nombreuses croyances et stéréotypes sur le sujet. Pourtant, c’est une démarche essentielle et un cadeau incroyable. En effet, ce besoin de don est une réponse à un double enjeu : une difficulté croissante d’infertilité et des structures familiales de plus en plus polyformes. Mener une démarche de don de spermatozoïdes ou d’ovocytes permet tout simplement d’aider des couples (hétérosexuels ou couples de femmes) ou des femmes seules à fonder leur famille. C’est un acte fort et d’une grande générosité. Mais qui soulève des questions ou des incompréhensions.
En parallèle, la Loi de Bioéthique, votée le 2 août 2021, fixe le cadre légal. Ainsi, l’Agence de la biomédecine a lancé en octobre 2021 une grande campagne de sensibilisation sur le don de gamètes. Je défends, depuis la création d’Histoires de Papas, toutes les formes de parentalité. Et c’est à ce titre que j’ai souhaité collaborer avec l’Agence de la biomédecine pour contribuer à cette campagne de sensibilisation. Car évidemment, le don de spermatozoïdes et d’ovocytes soulève plusieurs questions. J’ai voulu essayer d’y apporter des réponses. Et je vous propose également dans cet article deux témoignages. Celui de Clara, jeune femme de 24 ans qui a donné ses ovocytes cette année. Et celui de Sophie, qui est devenue maman grâce à un don d’ovocytes.
Don de spermatozoïdes et d’ovocytes : les chiffres clés
De façon très concrète, le don de spermatozoïdes et d’ovocytes permet tout simplement de fonder une famille. Et donc de donner naissance à un enfant. Selon les chiffres de l’Agence de la biomédecine, 1 396 enfants sont nés suite à une Assistance Médicale à la Procréation (AMP ou PMA) en 2019. Ce n’est donc pas rien !
Dans le détail, sur ces 1 396 enfants, 409 enfants sont nés suite à une AMP réalisée avec un don d’ovocytes. En 2019, 836 femmes ont donné leurs ovocytes. A ces chiffres s’ajoutent 987 enfants nés suite à une AMP avec un don de spermatozoïdes (317 hommes ont donné leur sperme).
En 2019, plus de 3 300 nouveaux couples ont sollicité un don d’ovocytes ou de spermatozoïdes en France. Et même si les dons de gamètes sont plus nombreux chaque année, ils restent insuffisants… Et surtout, les délais sont souvent longs pour obtenir un don (de quelques mois à plusieurs années en fonction des centres). Ainsi, l’augmentation du nombre de donneurs permet de réduire ces délais d’attente.
Avec l’ouverture de la PMA pour toutes les femmes, qu’elles soient en couples avec une femme ou seules, le nombre de demandes va devenir encore plus important. Il est donc essentiel aujourd’hui d’encourager le don de spermatozoïdes et d’ovocytes. Pour aider des couples et des femmes seules à accéder à leurs rêves…
Pourquoi donner ses spermatozoïdes ou ses ovocytes ?
Il me semble essentiel de commencer par préciser que le don de gamètes (spermatozoïdes ou ovocytes) est un acte généreux et solidaire. Et que ce don est très encadré, notamment par la loi de bioéthique. Pour rappel, les personnes pouvant bénéficier de ces dons sont les couples hétérosexuels, les couples de femmes et les femmes non-mariées en âge de procréer et qui recourent à une assistance médicale à la procréation (AMP ou PMA).
Ces procédures sont encadrées. Et la PMA peut être envisagée pour 5 raisons :
- Couple hétérosexuel : l’un des membres du couple a été diagnostiqué (par un médecin ou professionnel de santé) infertile
- Au sein du couple hétérosexuel : une infertilité a été constatée et non expliquée
- Couple hétérosexuel : une maladie grave peut être transmise à l’enfant ou à l’un des membres du couple hétérosexuel
- Le couple est un couple de femmes
- Femme non mariée
Témoignage de Sophie
Alors qu’elle n’a que 24 ans, on diagnostique l’endométriose à Sophie. Son Docteur lui indique qu’elle aura alors peu de chance d’avoir des enfants après 30 ans. Sophie panique et décide de se marier rapidement… pour divorcer 2 ans après, à 26 ans. Elle décide alors d’attendre de rencontrer « le bon ».
Quelques années après, c’est le coup de foudre. Après quelques mois, ils décident de faire un enfant. Son docteur lui confirme qu’elle peut tomber enceinte… en vain. Sophie consulte un autre gynécologue qui lui annonce sa pré-ménopause. Ils décident alors de passer par une IAC (Insémination Artificielle avec sperme du conjoint). « Nous en avons tenté 2 sans résultat. Et les spermatozoïdes de mon mari n’étaient pas suffisants pour tenter de nouveaux essais en IAC. Mon gynéco m’a alors expliqué la démarche de don d’ovocytes. Je me suis interrogée sur le fait d’avoir un enfant qui n’aurait pas mes gênes, sur le fait de lui cacher ou pas la façon dont il a été conçu…. Et au final, ça n’a pas duré longtemps, car le désir d’avoir un enfant était le plus important ».
Sophie commence à s’informer auprès du centre de don et s’inscrit sur liste d’attente. Quelques temps plus tard, ils sont recontactés. Puis vient le temps du transfert des embryons mais malheureusement, ils ne tiennent pas. Le couple retente sa chance rapidement et c’est la bonne. « Maintenant, nous avons deux adorables enfants. Ils n’ont pas mes gènes mais je suis leur mère sans aucun doute. Je les ai portés , je les ai nourris , je les protège, je les soigne, je les câline, je les gronde, je les console….. En fait c’est ça être une MERE et pas une histoire de gènes ».
Qui peut donner ses spermatozoïdes ou ses ovocytes ?
Le don de sperme ou d’ovocytes est bien plus ouvert que l’on pourrait l’imaginer :
- Don de spermatozoïdes : les hommes âgés de 18 à 45 ans, qui sont en bonne santé,
- Don d’ovocytes : les femmes âgées de 18 à 37 ans, qui sont en bonne santé
On entend souvent cette fausse croyance qui dit qu’il est nécessaire d’être déjà parents pour donner ses gamètes. Et ceci n’encourage donc pas le don des jeunes. Au contraire, plus les donneurs sont jeunes, plus les gamètes sont de bonne qualité et donc performants. Il est donc aussi important de sensibiliser les jeunes sur cette démarche.
Et enfin, il est important de préciser que le don de spermatozoïdes ou d’ovocytes est un acte gratuit pour le donneur. Tous les frais liés au don de gamètes, qu’ils soient médicaux (du bilan préalable au suivi après le don) ou non-médicaux (transport, hébergement, garde d’enfants, etc.) sont pris en charge par le CHU.
C’est un acte volontaire et libre (la donneuse ou le donneur atteste de son consentement).
Et le don de gamètes est un geste anonyme. Seul l’enfant né de ce don pourra, s’il en fait la demande à sa majorité, accéder à l’identité ou aux informations non identifiantes du donneur ou de la donneuse qui a permis sa conception, afin de connaître ses origines biologiques. Aucune filiation légale ne peut être établie entre la personne issue d’un don de gamètes et le donneur.
Comment donner ses spermatozoïdes ou ses ovocytes ?
Bien évidemment, le don de spermatozoïdes ou d’ovocytes est extrêmement encadré. C’est un acte médical et qui est donc soumis à une procédure :
- Tout débute avec un RDV d’information au centre de don, présents dans les CHU (vous trouverez ici les liens pour identifier le centre de don le plus proche de chez vous : don de spermatozoïdes et don d’ovocytes
- Puis, un bilan médical est effectué
- Ensuite, un RDV avec un psychologue est mené
- Enfin, le don : pour les donneurs un premier recueil est effectué pour évaluer le nombre et la mobilité des spermatozoïdes, puis plusieurs recueils pour réaliser le don. Et pour les donneuses d’ovocytes, l’équipe médicale procède à la mise en place d’une phase de stimulation des ovaires grâce à des injections pendant 10 jours puis le prélèvement des ovocytes par ponction sous anesthésie locale ou générale.
Témoignage de Clara
Fraîchement diplômée de son Master 2 en Communication, Clara part un an en voyage en Nouvelle Zélande. A son retour, elle traverse une période de quelques mois de chômage. « J’avais besoin de me rendre utile sur l’instant. J’ai réfléchi à ce qui m’animait : aider les gens.
Cela faisait quelques années que je donnais de mon temps pour une association accompagnant les malvoyants dans leur quotidien. Je donnais aussi mon sang et plasma depuis mes 18 ans. Au détour de recherches sur internet, je tombe sur le don d’ovocytes. J’ai 25 ans et je ne sais pas encore si j’ai envie d’avoir des enfants. D’autres en veulent de tout leur être, du plus profond de leur cœur. En faisant des recherches, je tombe sur des témoignages émouvants de personnes seules et de couples expliquant le désespoir de ne pas pouvoir procréer. Je suis émue. Et je me mets en tête que je peux faire quelque chose, essayer de prétendre à un don d’ovocytes ».
Renseignements pris, Clara se lance dans la démarche (NDRL : la démarche de Clara s’étend de novembre 2020 à avril 2021, avant la promulgation de la nouvelle loi de bioéthique du 2 août 2021). Fiche de renseignement, puis RDV avec une gynéco qui « veut discuter de ce qui me motive dans ce don, m’informer du processus, et vérifier des données généalogiques ». Clara enchaîne ensuite avec une prise de sang pour vérifier si elle n’est pas porteuse de maladies héréditaires. Puis Clara rencontre une psychologue pour « s’assurer des motivations saines des donneuses, et de s’assurer que celles-ci conscientisent bien que ce don n’est engageant que dans le processus en lui-même, que l’on ne chercherait jamais à se persuader de la légitimité de la parentalité de l’enfant issu de ce don. C’est un moment important dans le processus, qui permet aussi de se rendre compte de l’importance de notre acte ».
Suite à ce RDV, Clara se voit tester ses ovocytes. Les résultats sont très positifs. « 24 à droite et 28 à gauche : ce qui veut dire autant de chances qu’ils arrivent à maturité et donc que le don se concrétise. On m’évoque la possibilité d’en congeler une partie à la suite du don, pour les garder pour moi pour les années suivantes, dans le cas où je ne pourrai plus procréer à la suite d’un accident ou d’une maladie. Après quelques semaines de réflexion, je décide de donner la totalité du prélèvement, pour continuer dans cette démarche altruiste et en connaissant mon indécision face à ma volonté de devenir mère un jour (NDRL : Avec la nouvelle loi bioéthique du 2 août 2021, il n’est aujourd’hui plus possible d’autoconserver une partie des ovocytes pour soi lors de son don. Si on souhaite effectuer cette démarche d’autoconservation de ses propres gamètes, il faudra alors entreprendre une démarche spécifique pour cela). Les rendez-vous chez le gynécologue s’enchaînent, (ainsi que les prises de sang). Et un rendez-vous est fixé fin avril pour l’opération : une matinée à l’hôpital, anesthésie générale et aspiration par voie basse. Avant ce RDV, il y a une longue préparation : 1 semaine de pilules progestatives et 2 semaines de piqures d’hormones, dans le ventre et les cuisses ».
Entre-temps, Clara a trouvé un job qu’elle aime beaucoup. Mais pour autant, hors de question d’abandonner sa démarche de don. « J’ai posé une matinée de congés pour le prélèvement, et l’après-midi, je re-bossais, sans douleur et totalement consciente ».
Aujourd’hui, Clara se dit heureuse d’avoir donné ses ovocytes. « Je compte parfois le nombre de mois séparant ce jour de don et l’éventualité qu’une famille ou une personne accède un jour au bonheur tant attendu d’accueillir un enfant. Je suis très heureuse d’avoir été au bout de ce processus. Et je ne l’envisageais pas autrement qu’un don du sang : je donne quelque chose qui m’appartient de l’intérieur de mon corps, et une fois qu’il n’y est plus, aidera « mon prochain », lui cédant toutes ses propriétés et bénéfices. J’ai souhaité aider des personnes dans leur quête de construction d’une famille dès que j’ai su que je pouvais le faire et que la vie m’en donnait le temps ».
Et vous ? Etes-vous prêt.e à donner vos spermatozoïdes ou vos ovocytes ?
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1 commentaire sur « Don de spermatozoïdes ou d’ovocytes : comment ça marche et pourquoi c’est important ? »