Moins de 1% des hommes prennent un congé parental. Et années après années, ce chiffre évolue peu. Pourtant les bénéfices pour les pères à prendre un congé parental sont nombreux. Et c’est exactement le bilan que dresse Djamel (NDRL : le prénom a été changé) qui, à la naissance de son 3eme enfant, a pris un an de congé parental à temps plein, puis un an de plus à mi temps.
Ce choix, mûrement réfléchi avec sa femme Aida, a changé beaucoup de choses dans la vie de Djamel. Pour lui, mais également pour sa femme (qui a pu évoluer professionnellement), ses enfants et son couple. Près d’un an après la fin de son congé parental, Djamel raconte son choix. Pour donner envie, montrer que c’est possible et contribuer à faire évoluer les mentalités sur le sujet. Portrait d’un papa inspirant.
La question du congé parental avant la naissance du 3eme enfant
Djamel, 40 ans & Aida, 37 ans, sont en couple depuis plus de 20 ans. Début 2019, déjà parents de 2 filles (de 7 et 9 ans en 2019), le couple a envie d’un 3eme enfant. Djamel travaille beaucoup et leur plus grande fille déplore souvent que « on ne fait que croiser papa »… Le couple confie : « Nous étions dans un schéma classique, où le papa doit « charbonner » pour apporter la sécurité financière à sa famille ».
Pour ce 3eme enfant, le couple « souhaite fonctionner différemment et passer plus de temps avec leur 3eme enfant ». Par ailleurs, les parents se voient refuser une place en crèche suite au dépôt du dossier auprès de leur mairie (touché par l’histoire du couple et par la prise du congé parental par Djamel, la Maire adjoint réussira finalement à leur obtenir une place lors de la 2eme année du congé parental à mi temps de Djamel). Un jour, une idée survient dans l’esprit d’Aida qui demande à son mari : « Est-ce que cela t’intéresserait de t’occuper de notre 3eme enfant ?». L’idée est séduisante mais la réalité financière prend rapidement le dessus. « Il y avait près de 10 ans d’écart entre notre 1ere fille et notre dernière. Elles étaient habituées à un certain niveau de vie et nous ne voulions pas leur faire porter notre choix ». Le couple décide alors de creuser le sujet et d’imaginer les solutions possibles.
La sécurisation financière de la famille durant le congé parental
Après renseignement, le constat est sans appel. « L’indemnisation maximale durant un congé parental est de moins de 400 Euros par mois. Ce n’était pas suffisant pour notre famille ». Pour Djamel, c’est un frein qui ne peut se lever. « J’avais une grande peur sur l’aspect financier. Puis quelques jours après (nous sommes début 2019), Aida est arrivée avec une idée et elle m’a convaincu ».
Le couple décide alors d’investir pour se créer des revenus complémentaires. « Nous avons acheté un immeuble vétuste et je me suis chargé de tous les travaux pour le remettre en état et créer des appartements.». La décision est prise et le couple se jette dans cette aventure entre excitation et appréhension d’une situation inconnue. « C’était très intense durant plusieurs mois car je menais les travaux en parallèle de mon travail. Mais c’est ce qui permettait ensuite d’être serein durant mon congé parental ».
Enceinte de son 3eme enfant (qui naitra en Mars 2020), Aida, grâce aux accords de son entreprise, a droit a 4 mois de congé maternité avec prise en charge à 100% de son salaire, puis à 4 mois avec un salaire à 50% (un « congé allaitement » prévu dans les accords collectifs de son entreprise). Après 7 mois de congé maternité, Djamel débute son congé parental afin d’assurer une transition à deux. Puis 2 semaines après, Aida reprend son travail… Et Djamel se retrouve seul à s’occuper de leurs 3 enfants.
La réaction de son entreprise & de ses proches face au congé parental de Djamel
Djamel est conducteur de bus. Dès la décision prise au sein du couple, Djamel en informe son entreprise par courrier. « Il n’y a eu aucun problème avec mes RH. Ils ont apprécié la franchise de ma démarche, que je ne pose pas des arrêts de travail à la place. Ils ont profondément respecté mon choix ». Et la réaction bienveillante de son entreprise a aussi été de mise lors de la prolongation de son congé parental à mi-temps. « Nous avons travaillé ensemble pour la seconde partie de mon congé parental à mi temps. Il s’agissait de trouver le bon fonctionnement pour moi et les besoins de mon entreprise. Je ne souhaitais pas travailler les samedi, mercredi et Jeudi et j’étais flexible sur le reste des jours, en fonction des besoins en personnel de mon entreprise, y compris sur le dimanche ».
Les proches ont mis plus de temps à comprendre le choix de Djamel et d’Aida. « Ils ont été longtemps très intrigués. La question financière revenait régulièrement. On me demandait aussi si je ne m’ennuyais pas ». Et évidement, les stéréotypes de genre sont bien ancrés. « On me demandait pourquoi ce n’était pas ma femme qui s’arrêtait de travailler. Mais c’était une forte envie de ma part. Et c’est un choix de couple. Et ce choix a permis à mon épouse de reprendre le travail sereinement et même d’évoluer professionnellement ».
Papa à temps plein et une nouvelle relation créée avec ses filles
Après la reprise du travail d’Aida, Djamel se retrouve donc seul avec leur 3eme fille. Il s’occupe également des deux plus grandes. « Au début, c’était un peu dur. Car même si je m’étais occupé de mes 1eres filles, j’étais rarement seul. Et j’avais aussi un peu peur de m’ennuyer car il y a peu d’interactions sur les premiers mois ». Au fil du temps, Djamel prend ses marques et sa place. Et change même certains habitudes. « Aida changeait nos 1eres filles avec des lingettes. Puisque je gérais pleinement, j’ai eu envie de tester d’autres approches. Et j’ai remplacé les lingettes par une pompe à eau et des cotons par exemple ».
La relation évolue également avec les deux plus grandes. « Elles me reprochaient d’être peu présent et aujourd’hui, elle me sollicite plus que la maman ! Elle souhaitent que je sois tout le temps à la maison ! On sent qu’elles ont toutes les 3 besoin d’avoir du temps avec nous ». Les journées sont aussi moins fatigantes pour les filles puis qu’elles passent moins de temps en garderie. « Je suis plus détendu et je suis bien plus disponible ». Et cela se traduit également par une forte progression des résultats scolaires des filles. « Forcément, j’ai plus de temps pour les accompagner sur le temps des devoirs. J’ai aussi pu tester de nouvelles méthodes de travail. Avoir plus de temps permet de leur mettre moins la pression et les résultats s’en ressentent ». Les filles disent aujourd’hui de leur papa qu’il est « attentionné, très présent et serviable ». Rien à voir avec le « on ne voit jamais papa » d’avant le congé parental !
Les bénéfices pour Djamel et Aida
Pour Djamel, il n’y a aucun doute, son congé parental était une « très bonne expérience » ! Il n’en retient que du bon. « C’est une chance unique d’avoir autant de temps pour ses enfants. Je me suis rapproché de mes enfants, je les ai enfin vu grandir. Je me suis occupé d’eux au quotidien, je leur faisais à manger, je m’occupais de leur devoir, je jouais avec elles ». Grâce à ce temps dédié, il apprécie la bien plus grande complicité qu’il a désormais avec ses filles. « Je n’ai pas eu l’occasion d’avoir ce temps pour mes deux premières. Le temps passe vite et on n’a pas le temps d’en profiter… ».
Suite à ses deux années de congé parental, Djamel a aussi évolué dans sa relation avec son employeur. « Avant mon congé parental, je souhaitais quitter ma boite. Aujourd’hui, grâce à ce temps de pause, j’ai pu me poser et réfléchir à mon travail. Et je m’y sens très bien ! Et je suis tellement reconnaissant de qu’ils m’ont permis de faire que j’ai envie de rester longtemps dans mon entreprise ».
Le bilan est aussi très positif pour Aida. « J’ai vraiment apprécié que Djamel soit en congé parental. J’étais plus détendue, moins stressée et moins fatiguée. L’ambiance a la maison était bien plus apaisée. Et j’ai pu me dédier à ma carrière professionnelle ». En effet, on sait que les maternité ont un impact négatif sur la carrière des femmes. Grâce à l’implication de son mari, Aida déjoue les codes habituels. Alors enceinte de son 3eme enfant, Aida, Directrice adjointe d’une agence Caisse d’Epargne Ile de France, prend RDV avec ses RH. « J’ai été franche avec eux. Je ne souhaitais pas reprendre mon poste à mon retour, j’avais fait le tour de mon job. Je souhaitais évoluer. A mon retour de congé maternité, la banque m’a proposé un poste de conseiller en gestion patrimoniale, associé à une formation à Dauphine et à changement de lieu de travail pour me rapprocher géographiquement de chez moi. Un nouveau poste + une formation, avec 3 enfants, je n’aurai jamais pu saisir cette opportunité sans le congé parental de mon conjoint. Je suis pleine de gratitude pour cette évolution et je suis encore plus engagée dans mon travail ! ».
Un couple encore plus soudé et une charge mentale plus équilibrée
Le congé parental de Djamel a aussi beaucoup apporté au couple. Avec le papa à temps plein à la maison, l’effet miroir a très bien fonctionné. « Voir la situation dans le regard de l’autre est précieux. On a une bien meilleure compréhension mutuelle entre nous. Par exemple, on comprend bien mieux que c’est épuisant de s’occuper des enfants et de la maison ! ». De son propre aveu, la présence au quotidien de Djamel a aussi beaucoup apporté aux enfants. « Il a une approche un peu différente de l’éducation. Il les fait beaucoup plus participer aux différentes tâches, comme sur la préparation des repas par exemple. Depuis son congé parental, nous sommes beaucoup plus dans la coopération avec les enfants ».
Cette coopération est aussi restée au sein du couple, où les tâches et la charge mentale est bien mieux répartie. « Et de facto, nous ressentons tous les deux moins de stress et c’est bien plus appréciable dans la relation de couple ». Le couple synthétise les bénéfices de ce congé parental : « Avoir du temps permet de se poser, de se questionner, de réfléchir sur nos habitudes, notre fonctionnement, notre éducation. Et au final, cela permet de sortir des schémas pré-établis pour se créer son propre modèle et casser les codes ! ».
Les conseils de Djamel aux papas qui souhaitent prendre un congé parental
En conclusion de notre échange, j’ai souhaité connaître les conseils que pouvait donner Djamel aux futurs papas qui souhaiteraient prendre un congé parental :
- Se sécuriser sur les aspects financiers (pur éviter un risque de conflit et des tensions qui impacteraient le couple et les enfants)
- Bien se renseigner sur les démarches administratives à mener (NDRL : vous trouverez des informations sur le congé parental en cliquant ici)
- Être un peu accompagné par la maman sur le début du congé parental (surtout si l’on ne se sent pas très à l’aise)
- Se faire confiance & trouver sa propre organisation
- Ne pas hésiter à franchir le cap, c’est que du bonheur ! Aller au delà des aprioris sociétaux. Le papa doit prendre sa place !
Selon Djamel, le congé parental devrait également évoluer. « Il me semble essentiel de mieux l’indemniser, avec un % du salaire ». Selon lui, les entreprises ont aussi un rôle majeur à jouer : « Elles doivent informer les collaborateurs des possibilités qui existent, sans jugement ».
Pour conclure notre échange, Djamel partage ses réflexions globales sur le congé parental. « « Dans la société, un homme qui ne ramène pas de salaire est considéré comme un feignant qui vit aux crochets de sa femme. Je l’ai senti mais j’en ai fait abstraction. J’explique à chaque fois que c’est mon choix, que c’est une vraie volonté ». Et aujourd’hui, les regards ont changé… « J’ai des copains qui envient mon choix ou qui se posent la question de prendre un congé parental pour leur prochain enfant. Et je leur réponds toujours que oui, il faut y aller, il faut oser !!! ».
Comme souvent, parler de ses choix et de ses convictions permet d’ouvrir des chemins pour les autres. Alors merci Djamel & Aida d’avoir raconté votre histoire avec autant d’authenticité. Elle va forcément inspirer d’autres parents….
Et vous, que pensez-vous de l’histoire de Djamel et de son congé parental ?
Positivons, partageons et commentons ci dessous !
Bonjour Pascal et merci pour le témoignage proposé par Djamel.
Je suis moi-même en congé parental depuis plus d’un an et il me reste encore quelques mois (avant les 3 ans de ma petite dernière) pour profiter ce temps magique de présence à la maison, de création de liens avec mes enfants, et de renforcement de mon couple.
Je m’amuse à dire que je découvre le dur métier de « femme au foyer », et je crois que c’est très important dans ma relation de couple. Mon épouse est passé par là quand nous étions à l’étranger et qu’elle ne travaillait pas, et désormais nos rôles se sont inversés.
Le congé parental, je le conseillerais sans hésitation…
Bonjour Pascal,
Merci pour ce témoignage de Djamel.
Je suis moi-même en congé parental et père de 4 enfants (de 9 à 2,5 ans), actuellement fonctionnaire et je confirme que les deux points essentiels pour moi sont :
– la sécurisation financière, car cela ne va pas de soi de perdre un salaire
– l’importance d’avoir une organisation de sa journée et des projets ajustés aux contraintes qui sont les nôtres quand on devient « père au foyer ».
Je rajouterais que cette expérience est vraiment enrichissante parce qu’on comprend mieux les contraintes que peut subir notre épouse quand elle est au foyer et dans un sens, cela renforce vraiment le couple.
Bonne continuation
Bertrand