C’est un article sur un sujet un peu moins léger que je vous propose aujourd’hui. Moins léger mais pour autant essentiel. Faire face à un décès est toujours douloureux. Et parler de la mort aux enfants peut être très difficile. Et pourtant, la mort fait partie de la vie…
Début Décembre 2021, nous avons perdu un des grands pères de mes jumeaux. C’était un décès absolument soudain, ce qui ajoute de la douleur. Et c’était le 1er décès pour lequel mes enfants étaient suffisamment grands pour comprendre ce qu’il se passait. De plus, mes enfants étaient très complices avec leur grand père, qu’ils voyaient à chaque vacance scolaire depuis leur naissance. Alors forcément, nous devions leur en parler. Mais ce n’est pas si simple quand on a, déjà, à gérer son propre chagrin…
Dans cet article, je vous partage ce que nous avons fait lors de ce moment. C’est un témoignage de notre approche. Ce n’est pas là une série de conseils. C’est à chacun de voir comment il souhaite parler de la mort aux enfants. Je ne souhaite surtout pas, au travers de cet article, créer de nouvelles injonctions. Ce sujet est trop personnel. C’est à chacun d’appréhender ce moment et de faire ce qui lui semble juste. Mais parce que nous sommes parfois perdus face à un deuil, j’ai souhaité vous apporter mon témoignage. Et en fin d’article, je vous raconte les réactions de mes enfants sur le sujet au fil des semaines.
S’interroger sur ce que représente la mort pour soi
La relation à la mort est très personnelle. Elle est liée à notre éducation, notre religion et/ou nos croyances. A mon sens, il n’y a pas de jugement à avoir. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise relation à la mort. Mais juste celle qui convient à chacun.
Pour ma part, je ne crois pas en un « après ». Et j’ai l’impression d’être très à l’aise avec cela. Cette croyance est très connectée à ma philosophie de vie. La vie est belle mais fragile. Elle commence et s’arrête. Et donc la vie est précieuse justement parce qu’elle s’arrête. Cette « philosophie » fait partie de mon quotidien. Et elle s’exprime au travers d’un certain nombre de mes choix et de mes actions chaque jour. Le fait de toujours oser par exemple. Et cela fait partie de ce que j’essaye de partager à mes enfants, dans l’éducation que je leur donne.
Quand nous avons appris le décès soudain de mon beau-père, nous nous sommes interrogés, au sein du couple sur ce que représentait la mort pour nous. Avec le recul, je pense que c’est une discussion que nous aurions dû avoir bien plus tôt. Car ce n’est pas évidement d’échanger sur ce sujet quand nous sommes submergés de peine et de tristesse. Et nous n’avions pas forcément la même vision. Il a fallu trouver un équilibre. Et cela nous a permis de nous mettre au clair sur ce que nous voulions dire à nos enfants. Pour être cohérent et ainsi mieux expliquer la situation à nos enfants.
Choisir le bon moment pour en parler à ses enfants
Un décès est une grosse vague émotionnelle qui s’abat. Et qui nous laisse, après son passage, hagard. On entre alors dans une espèce de brouillard. Et pour autant, on doit souvent faire face à différents aspects logistiques. Sans quitter le brouillard triste qui nous enveloppe, on passe en mode « pilote automatique ».
Et quand on est parent, on se doit en plus de gérer ses enfants dans ce moment. Nous ne nous sommes pas sentis suffisamment en énergie pour leur parler de ce qu’il se passait sur l’instant présent. Parler de la mort aux enfants demande de faire face à une double émotion : la notre et la leur. Et nous ne nous sommes pas sentis la force de « bien » faire. Alors on a préféré s’écouter et laisser passer quelques jours. Digérer l’information soudaine pour être en capacité d’y faire face et de la partager avec nos enfants. On s’est concentré sur l’organisation pour gérer notre absence (l’enterrement étant à 7h de route d’où nous vivons).
Enfant présent à la cérémonie ou pas ?
Car oui, nous avons décidé de ne pas amener avec nous les enfants à l’enterrement. Il y a plusieurs écoles sur le sujet. De nombreux psychologues préconisent d’amener les enfants à la cérémonie pour qu’ils puissent aussi faire leur deuil.
Pour notre part, nous avons estimé que ce n’était pas leur place. Qu’ils n’avaient « que » 5 ans et qu’ils n’avaient pas toutes les cartes pour gérer ce moment. Et au-delà d’eux, nous avions envie de vivre ce moment pleinement pour nous. Sans s’occuper de nos enfants.
Je l’ai dit , il y a plusieurs choix possibles. C’est à chacun d’y réfléchir. Et de prendre l’option qui parait plus juste. Pour les enfants. Et pour les parents.
Oser exprimer ses émotions
Une fois revenus de l’enterrement, il était désormais temps de parler à nos enfants. De leur dire ce qu’il s’était passé ces derniers jours. Et avant d’en parler et de bien choisir les mots (j’y reviens juste après), nous nous sommes interrogés sur la « posture » que nous souhaitions prendre devant eux. La forme est aussi importante que le fond.
Nous avons choisi d’être le plus authentique possible. Juste d’oser exprimer nos émotions. Dire ce que nous ressentions. Exprimer notre chagrin. Pleurer devant et avec eux. C’était notre choix. Nous ne voulions pas jouer au Super Héros. On essaye depuis leur naissance de leur apprendre à se connecter à leurs émotions. Je crois beaucoup en l’exemplarité. C’est un des moments où nous souhaitions l’être.
Choisir ses mots (et ceux à éviter)
Au delà de la forme, la question du fond est essentielle. Quels mots utiliser pour parler de la mort aux enfants ? Et quels mots à éviter ? Là également, je ne pense pas qu’il existe une seule réponse. La seule « bonne » réponse est celle qui fonctionne pour soi et le couple. Par contre, je pense qu’il est sain d’être au maximum dans la vérité, essentielle pour leur équilibre. Je vous partage donc les mots que nous avons choisis et ceux dont nous ne voulions pas.
- La cause du décès. Mon beau père est décédé d’une maladie auto-immune qui l’a terrassé en quelques semaines. Mes enfants avaient vu que leur grand père était un peu malade aux dernières vacances. Mais nous voulions absolument éviter pour eux le raccourci « maladie = mort ». Pour éviter qu’ils ne se créent un stress à chaque fois qu’ils (ou nous) se retrouvent avec un rhume. Nous leur avons donc expliqué que le décès était lié à cette maladie qui avait été très forte pour le papy âgé qu’il était. Et qu’aujourd’hui, les docteurs soignaient beaucoup de maladies mais pas encore toutes.
- La mort. C’est le moment le plus difficile. Oser dire LE mot. Froid. Implacable. Et surtout de leur faire comprendre que c’est irrémédiable. Que Papi est parti et qu’il ne reviendra plus. Nous voulions utiliser le vrai mot, même s’il est dur. Mais nous ne voulions pas utiliser des expressions pouvant être confusante pour eux, comme « s’endormir » ou « partir ».
- La nature pour parler de la mort. C’est l’image que j’ai utilisée. Utiliser la métaphore de la nature pour parler de la vie et de la mort. Je leur ai donc raconté que la vie c’était comme une fleur. C’est au début une petite graine, elle grandit, elle s’épanouit, elle se transforme en belle fleur, puis elle se fane pour ensuite mourir. Cette image a bien fonctionné pour mes jumeaux. Cela les a aidés à se représenter le cycle de la vie.
- L’empathie. C’est quelque chose de très important pour nous. Parler du décès de leur grand père demandait aussi de parler de leur grand-mère qui restait. Leur dire que Mamie allait rester seule, que cela n’allait pas être simple. Mais que nous allions tous l’aider et la soutenir.
- Et après. Ce point est lié à ce que représente la mort pour chacun (comme indiqué dans le 1er paragraphe de cet article). Pour notre part, nous avons échangé sur le fait que même quand une personne meurt, elle reste toujours là. Dans un coin de notre tête ou de notre coeur. Parfois posée sur notre épaule. Je leur ai dit qu’il n’y avait pas une journée où je ne pensais pas, même rapidement, à l’un de mes 4 papys et mamies. Nous leur avons aussi dit que nous avions plein de photos et de vidéos. Que l’on pouvait s’y plonger quand ils en avaient envie (et effectivement, cela va s’avérer très utile quelques semaines plus tard). Se reconnecter pour poursuivre le lien…
Accueillir les émotions de son enfant
Nos jumeaux nous ont écouté calmement et pleinement. Ils se sont regardés tous les deux plusieurs fois. Pour valider que l’un et l’autre avaient bien compris la même chose. Ils ont d’abord poser 2 ou 3 questions, pour valider ce qu’ils avaient compris.
Puis, ils se sont mis à pleurer. Beaucoup. Pleinement. Des pleurs qui viennent de loin. Alors, nous les parents, nous avons aussi pleuré. Nous avons partagé tous les 4 le même chagrin. Dans un moment suspendu, nous étions dans notre bulle. Sans contrôle d’émotion. Nos émotions de chagrin et de tristesse nous ont débordés tous les 4 ensemble. Et on les a accueillies pleinement. Puis, car cela reste des enfants, ils sont passés à autre chose au bout de 15mn. Nous appréhendions un peu la 1ere nuit (eux qui n’ont jamais eu aucune difficulté de sommeil). Et il n’y a pas eu d’ « effet secondaire ». Mais nous voulions rester vigilant car cela pouvait s’exprimer au fil des jours.
Etre attentif à son enfant sur les semaines qui suivent le décès
Et effectivement, les enfants ont reparlé de la mort de leur papy à plusieurs reprises les semaines qui ont suivi. Parfois à nous, parfois à d’autres personnes, amis ou famille (sachant que nous avions également prévenu la maitresse). Notre entourage était évidement au courant et nous leur avions demandé d’accepter l’échange sur le sujet quand ils venaient des enfants. Ne pas faire de la mort un tabou. Leur offrir l’espace pour qu’ils vident leur tête et leur coeur.
Ils en ont parlé à de nombreuses reprises. Parfois de façon très simple comme à Noel. Mon fils a simplement dit à ma maman, comme ça alors qu il jouait avec ses légos « Tu sais que mon papy il est mort ». Il l’a refait plusieurs fois et à différentes personnes. Ma fille aussi, un peu moins souvent. Et parfois, cela s’est exprimé différemment. Plusieurs moments m’ont marqués :
- 1 mois après. Avec ma belle mère. Ils étaient au gouter. Et d’un seul coup mon fils regarde sa mamie et lui dit « Tu sais Mamie, je suis triste que Papy soit mort. Il me manque. Mais je ne veux pas t’en parler car je vais pleurer. Et je ne veux pas que tu sois triste ma mamie ».
- 2 mois après. Nous dînions en parlant de tout et de rien. D’un seul coup, nous avons vu le regard de mon fils s’absenter. Et il a dit « Mon papy me manque. Je ne vais plus jamais le voir. Je l’aime beaucoup ». Et il s’est mis à pleurer. Des larmes chaudes. Qui venaient de loin. Et il a pleuré durant 20 longues minutes. Comme il n’avait jamais fait. Il a tout lâché. Il a eu beaucoup de mal à se calmer. Alors nous l’avons câliné, longtemps. Lui avons dit que c’était « normal » d’être triste. Que nous l’étions aussi. Qu’il nous manquait aussi. Puis j’ai ouvert mon téléphone et nous avons regardé plusieurs photos et vidéos de moments heureux avec papy. Car il sera toujours là. Mon fils s’est apaisé.
- 3 mois après. Nous étions en vacances chez ma belle mère. Nous allions y laisser les enfants quelques jours. J’étais à 3 avec ma fille et ma belle-mère. D’un coup, ma fille dit à sa mamie. « On va rester avec toi mamie. Et comme Papy n’est plus là, tu vas être seule avec nous ». Ma belle mère répond « Oui c’est vrai. Et on va passer un bon moment tous les 3, tout va bien se passer ». Ma fille lui répond alors « ne t’inquiète pas Mamie, on va t’aider avec mon frère ». Et ma fille a pris la main de sa mamie pour y déposer un doux baiser. J’ai observé la scène. Et je n’ai pu retenir une larme.
Je sais qu’il y aura d’autres moments comme ceux-là dans les prochains temps. Et nous voulons continuer à les accueillir simplement. Sans en faire ni un tabou, ni un drama. Juste un moment de la vie, douloureux, mais qui fait partie de la vie. Essayer d’être juste. Et « Profiter » de ce moment pour encore partager à nos enfants ce en quoi on croit. Que la vie est belle et précieuse. Qu’il est essentiel de profiter de chaque instant que la vie nous offre. Qu’il fait aimer intensément et vivre pleinement.
Et vous ? Comment avez-vous fait pour parler de la mort aux enfants ?
Positivons, partageons et commentons ci dessous !
Merci pour ce témoignage…
C’est vrai qu’il vaut mieux se poser certaines questions avant, pour ne pas être pris de court quand malheureusement ce genre d’évènement arrive.
J’ai également des jumeaux de 5 ans (un gars et une fille, tout pareil). La phrase « ne t’inquiète pas Mamie, on va t’aider avec mon frère », ma fille aurait pu la dire, c’est fou. Ils sont si jeunes et parfois capables d’une tel maturité…
Merci Laurent pour votre retour.
Et tellement d’accord avec vous. Ils peuvent avoir une belle maturité à 5 ans et une très forte empathie. C’est d’ailleurs à nous de les aider à développer cette empathie si nécessaire au quotidien !
(Et effectivement, on est vraiment pareil en étant papa de jumeaux Fille/Garçon de 5 ans !!)
Et j’habite la métropole Lilloise! 😉