Depuis quelques années, nous parlons de plus en plus de la place du père dès la naissance de l’enfant. On sait qu’elle est essentielle pour la mère, pour le bébé et pour le père lui même. Et le congé paternité est d’une grande aide pour cela. Mais nous ne parlons quasiment jamais de la place du père lors de la grossesse et du parcours pré-natal. C’est pourtant essentiel….
Car que cela soit lors d’une grossesse dite « classique » ou lors d’un parcours PMA, beaucoup de choses pénalisantes pour les femmes, sans même s’en rendre compte, se mettent en place. Notamment le début de la charge mentale pour les femmes. Et l’ancrage d’une inégalité entre les femmes et les hommes dans la carrière professionnelle. Car sans la présence du futur père lors des RDV médicaux, c’est à la femme de gérer toutes les infos médicales liées à la grossesse. Et à vivre un impact négatif sur son job en s’absentant. Le comprendre permet de changer les consciences. Pour sensibiliser et faire, peu à peu, évoluer ces schémas. Et comme nous sommes toutes & tous actrices et acteurs du changement, nous pouvons modifier nos pratiques pour créer une dynamique positive et plus égalitaire avant même l’arrivée de bébé.
Pourquoi c’est important
Lors de la grossesse, la future maman doit procéder à 7 RDV médicaux obligatoires de suivi de grossesse. Et cela peut évidement être plus en fonction de la nature de la grossesse. Ces RDV médicaux ne sont pas anodins pour la future maman, à plusieurs titres. Et pourtant, dans la grande majorité des cas, elle s’y rend seule…
Notamment pour un 1er enfant, la future maman se retrouve mitraillée de nombreuses informations médicales qu’elle découvre. Elle doit faire le tri, retenir l’essentiel, puis retranscrire le soir au futur papa. Elle s’arrange comme elle peut pour ne pas se faire envahir par le stress de la découverte ce cette nouvelle aventure. Le tout avec des hormones en folie. Et c’est finalement le début d’une charge mentale intense. Qui repose uniquement sur les épaules de la future maman. Mais pas d’incidence pour le futur papa…
Côté vie professionnelle, c’est le même tsunami. La future maman ne peut toujours prendre les RDV en dehors de son temps de travail. Elle doit alors s’arranger avec son employeur pour s’absenter. Et parfois poser des 1/2 journées de RTT ou de congés. Là aussi, c’est le début de la charge mentale. La prise de conscience que devenir maman va l’amener à jongler avec sa vie pro. Et supporter les regards, jugements et interprétations. Dans certaines entreprises, elle bascule immédiatement dans la case des salariés moins engagés et sur qui on peut moins compter… Et là aussi, ces conséquences n’existent pas pour le futur papa qui, lui, est toujours présent et engagé pour son job. Là encore, le début des inégalités qui ne vont que s’agrandir avec le temps…
Le cadre juridique
La loi est très claire sur le sujet. Et protectrice pour les futures mamans. Le code de la santé publique et le code du travail indiquent qu’une salariée enceinte bénéficie d’une autorisation d’absence pour se rendre aux 7 examens médicaux au cours de la grossesse. Et ces absences sont rémunérées à 100%. Certaines entreprises, via des accords internes ou des accords de branche, permettent même des absences plus nombreuses. Mais qu’en est-il des futurs pères ?
Le code du travail autorise les futurs pères à s’absenter lors de 3 RDV sur les 7 obligatoires. Le futur père doit être marié, pacsé ou en concubinage avec la future maman. Et là également, les 3 absences sont rémunérées.
3 absences, c’est bien mais ce n’est pas suffisant pour inverser le début de la charge mentale et des inégalités liées à la parentalité.
Le cadre juridique pourrait néanmoins évoluer prochainement. Lors du plan interministériel pour l’égalité, présenté en Conseil des ministres le 8 Mars 2023, le sujet a été posé. Des négociations doivent être menées avec les organisations syndicales et patronales afin d’augmenter le nombre légal d’absences autorisées. Pour peut être les passer de 3 à 7 (voir plus). Mais en attendant l’évolution du cadre légal, d’autres actions peuvent être menées…
Le rôle des entreprises
Pour rappel, 83% des salariés sont parents. Les entreprises, en matière de parentalité, ont donc un rôle majeur à jouer. Et c’est également le cas sur le sujet de la place du père lors de la grossesse. A mon sens, elles peuvent contribuer à faire évoluer le sujet via, au moins, deux actions :
– Sans attendre l’évolution du cadre légal, les entreprises peuvent augmenter le nombre d’absence pour que les futurs pères puissent se rendre aux RDV médicaux. En proposant une absence autorisée sur les 7 RDV médicaux, ce serait déjà un pas énorme.
– Il y a la loi… et l’application de la loi ! Tout comme il existe une auto-censure et une peur du jugement des hommes dans la prise du congé paternité, les absences des hommes aux RDV de grossesses n’est pas un réflexe et un automatisme. Afin de créer un nouveau référentiel, il est essentiel que les managers et équipes RH lèvent ce frein. Il s’agit alors de les sensibiliser sur le sujet. Afin qu’ils puissent encourager les collaborateurs futurs papas à s’absenter lors de ces RDV de suivi de grossesse.
Le rôle des professionnels de santé
J’ai absolument conscience que l’on demande énormément aux professionnels de santé et qu’ils exercent, depuis des années, dans des conditions de travail difficile. J’ai eu l’opportunité d’intervenir en conférence plusieurs fois auprès de sages femmes ou en CHU / Maternité sur le sujet de la place du père. Et à chaque fois, la réaction des professionnels de santé a été la même. Pris dans un rythme soutenu, ils n’ont pas eu l’occasion de s’interroger sur leurs pratiques envers les pères. Ils ont pourtant un rôle majeur à jouer. Car pour des futurs parents, les professionnels de santé sont l’autorité compétente et de référence.
Et dans énormément de cas, ces professionnels s’adressent uniquement à la future maman lors de ces RDV. Quand le père est présent, on ne s’adresse pas (ou peu) à lui. L’interprétation est alors sans appel. « Ma place n’est pas ici, c’est l’espace de la future maman ». En les impliquant lors de ces RDV obligatoires, les futurs pères comprennent la place qu’ils doivent prendre.
Le rôle du papa
OK la place du père lors de la grossesse n’est pas encore complètement intégrée dans notre société. Mais pour autant, il ne s’agit pas uniquement d’attendre que la loi, les entreprises ou les professionnels de santé évoluent. Vous le savez, je crois beaucoup à l’idée de co-responsabilité. C’est donc évidement aussi aux futurs pères d’agir par eux mêmes !
Il est donc essentiel qu’ils choisissent d’être présents aux 7 RDV obligatoires de grossesse. On fait un bébé à deux. On l’élève à deux. Et on gère la grossesse à deux. C’est un soutien essentiel pour la futur maman qui lui permettra de mieux vivre sa grossesse. Cela permettra aussi au futur papa de comprendre les enjeux, présents et futurs. Enfin, c’est un signal envoyé à son employeur. C’est lui faire comprendre, en douceur, qu’il compte bien prendre sa place de futur papa. Et que cela commence même avant la naissance !
Enfin, n’oublions pas que le père peut apporter beaucoup au delà même de ces RDV obligatoires. Les séances d’haptonomie, par exemple, sont une excellente activité pour partager avec la future maman la grossesse. Corentin, un papa que j’avais interviewé, en parle très bien ici.
Le rôle de la maman
Loin de moi l’idée de faire porter une charge supplémentaire à la future maman. Cependant, je pense que c’est aussi à elle de sortir des mécanismes connues depuis des dizaines d’années.
Oui ce serait génial que le futur père comprenne par lui même que sa place est auprès d’elle lors de ces RDV médicaux. C’est parfois le cas. Et parfois non. Elle peut alors poser les choses. Sans reproche. En lui expliquant qu’elle a besoin de lui.
De même, face à des professionnels de santé, le même message peut être porté. « Je ne suis pas seule face à vous. Mon conjoint est aussi présent et il est concerné. J’aimerais que vous vous adressiez à lui ». Et pourquoi pas les laisser à deux quelques minutes pour qu’ils échangent en toute liberté ?
Peu traité médiatiquement, le sujet de place du père lors de la grossesse est, selon moi, fondamental. Faire évoluer ces procédés c’est impacter sur l’égalité Femme / Homme et la charge mentale avant même l’arrivée de bébé. C’est créer une dynamique positive qui va s’ancrer et s’inscrire dans la durée.
Et vous ? Que pensez vous de la place du père lors de la grossesse ?
Positivons, partageons et commentons ci dessous !