Le féminisme, l’égalité Femme / Homme, les stéréotypes de genre,.. autant de sujets qui font désormais partie de notre quotidien. Ces sujets sont larges et touchent beaucoup de sphères : la vie de couple avec la charge mentale, la vie professionnelle, l’éducation de nos enfants, les violences faites aux femmes… Beaucoup de questions et de faits sont régulièrement soulevés. Mais comment agir pour le féminisme concrètement ? L’action au quotidien, c’est exactement ce à quoi s’attaque Maxime Ruszniewski dans son excellent livre « Petit manuel du féminisme au quotidien ».
Maxime a déjà eu plusieurs vies professionnelles. Avocat de formation, ancien journaliste, ex conseiller au Ministère des Droits des Femmes, co-fondateur de la Fondation des Femmes, réalisateur d’un documentaire sur le congé paternité, co-fondateur et dirigeant de Remixt, Maxime prend la plume pour la 1ere fois. Dans ce livre, Maxime ne donne aucune leçon. Avec un ton positif et non culpabilisant, il part des faits pour proposer des actions concrètes à mener par toutes & tous au quotidien. Car oui, agir pour le féminisme, c’est possible ! Vous le savez peut être, une de mes motivations dans la création d’Histoires de Papas, a toujours été d’impacter sur l’égalité Femme / Homme. Alors évidement, j’ai adoré le livre de Maxime que je conseille vivement. Et j’ai pris beaucoup de plaisir à l’interroger sur le sujet. Interview.
Qu’est-ce qu’être féministe selon toi en 2023 ?
Pour moi, être féministe, c’est conforter sa pensée et ses convictions en actes concrets. Il n’existe pas de brevet du féministe ! Il s’agit donc d’observer en toute honnêteté ce que l’on fait (et comment l’on s’exprime) au quotidien (dans la rue, au travail, en famille, avec les amis, avec les enfants, …). Puis de se poser la question : est-ce que j’agis ou est-ce que je laisse passer des mots et des attitudes qui ne correspondent pas à ce en quoi je crois ? Et évidemment, il est nécessaire d’agir pour le féminisme !
Enfin, le féminisme n’est pas genré. Un homme peut être féministe aussi bien qu’une femme.
Quelle évolution observes-tu sur le sujet ?
Il y a une évolution positive mais ce n’est pas encore flagrant. Je trouve que l’on avance plus vite au sein des foyers que dans la vie professionnelle.
Dans la rue et sur le sujet des violences faites aux femmes le problème est énorme. Les chiffres sont très inquiétants (NB : 100 % des femmes affirment avoir déjà été « importunées, suivies ou harcelées » dans les transports en commun -étude du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Le nombre de féminicide : en France, en 2023, une femme est tuée par son compagnon tous les 3 jours ).
Tu t’adresses, dans une partie de ton livre, aux hommes en leur demandant d’assumer leur part de féminisme. Tu évoques notamment le fait d’oser exprimer ses sentiments. Quels conseils pourrais-tu donner à un homme qui n’ose pas ?
Je conseille à ces hommes de s’interroger sur le « pourquoi » ils n’osent pas exprimer leurs émotions et sentiments. Et souvent, on arrive à la conclusion que ce n’est pas tant l’envie profonde de l’homme. C’est dicté par son éducation.
Pour autant, aujourd’hui, quand un homme exprime ses émotions, c’est souvent valorisé. Un bon manager, c’est celui qui sait retenir les talents et donc être emphatique. Alors lancez-vous ! C’est bon et c’est même profitable 😉 N’oublions pas que nous sommes tous dotés naturellement d’émotions. Ne pas les exprimer, c’est culturel, mais pas ce que nous sommes.
Toujours dans cette partie, tu évoques le congé paternité. A quelle durée faudrait-il arriver selon toi ? Et pourquoi nous n’y sommes pas ?
Pour moi, il s’agit d’aligner la durée du congé paternité sur celle du congé maternité. C’est le seul moyen pour gommer le « risque maternité » qui pèse sur les épaules des femmes en entreprise.
Je suis persuadé que l’on va finir par y arriver mais quand … ? Cela dépend des volontés politiques, c’est une question de choix des priorités. Aujourd’hui, il y a un affichage politique mais ce n’est pas suffisant. Pourtant, aligner la durée du congé paternité sur le congé maternité est un excellent moyen d’agir pour le féminisme !
Je pense que la société n’est pas tout à fait prête mais cela s’accompagne, notamment en entreprise. Légiférer sans accompagner, c’est presque contre productif. Cela peut bloquer les gens.
Tu dédis ensuite une partie de ton livre sur comment agir pour le féminisme à la maison. Et tu évoques longuement la question de la charge mentale. Que faire concrètement pour que la répartition de la charge mentale évolue ?
A mon sens, la clé est d’aborder le sujet au sein du couple de façon factuelle, sans agressivité. Je conseille de bien penser à la forme. Dans l’échange au sein du couple, l’objectivité doit être de mise :
- quantifier les tâches (chaque tâche prend combien de temps concrètement ?)
- qualifier les tâches en prenant en compte la pénibilité (nettoyer les toilettes ne vaut pas la même pénibilité que d’amener les enfants à l’école)
On peut même ajouter un peu de fun dans cette analyse ! Je propose un exercice dans le livre qui se réalise en famille, en y associant les enfants. On analyse qui fait quoi et on ajoute des points en fonction des missions de chacun.
Cette question de la répartition de la charge mentale génère de nombreuses disputes au sein du couple. Cela fragilise le couple. L’idée est de changer de paradigme. On peut parler de ce sujet sereinement, en étant objectif et même en ajoutant du jeu. On se focalise alors sur les actions. Evidement, les deux membres du couple doivent être d’accord pour analyser la répartition de la charge mentale puis accepter de changer.
La question de la représentation des femmes dans la société est aussi essentielle. Où en sommes nous aujourd’hui ?
Ce point est fondamental dans les domaines de la politique, du sport, des jeux vidéos, des médias, de la publicité, ….
Quand une jeune fille veut regarder du sport à la télévision, elle ne voit quasiment que des hommes. Et c’est un vrai problème ! Il faut plus de sportives à la TV.
La question des rôles modeles féminins est aussi essentielle. En attendant que cela évolue, nous pouvons agir en tant que parents. Nous pouvons acheter des livres sur la parité ou la diversité des familles, regarder des sports féminins, faire attention aux choix des films et dessins animés, …
Tu évoques la question centrale des inégalités à l’école. Quel est le rôle des enseignants sur le sujet ? Et des parents ?
Juste un chiffre pour commencer. En moyenne, dans les écoles maternelles et primaires, le terrain de foot occupe 90 % de l’espace. Le message envoyé pour les petites filles, qui n’ont donc que 10% de l’espace pour jouer, est qu’elles ne doivent pas prendre de la place, se faire petite et rester dans les coins. Et elles se construisent ainsi dans le temps…
Les enseignants ont l’obligation de se former sur le sujet. Et en parallèle, ils peuvent agir au niveau de l’Education Nationale pour proposer de nouvelles approches ou outils. Et n’oublions pas, pour ne pas retomber dans les polémiques survenues il y a quelques années (NDRL : Maxime parle ici des polémiques au sujet du dispositif « ABCD de l’égalité »), qu’il s’agit évidement de distinguer l’éducation à l’égalité de l’éducation à la sexualité.
Les parents peuvent aussi agir évidemment ! S’ils voient des ressources ou des propos rapportés par leurs enfants, ils peuvent se manifester auprès des enseignants ou de la direction de l’école. Cela demande du courage mais après on se sent bien, on est fier ! C’est aussi cela agir pour le féminisme au quotidien ! Ceci dit, je pense vraiment que l’école a un rôle fondamental à jouer sur le sujet. L’Education Nationale doit agir. Et là aussi, en objectivant ses pratiques.
L’éducation sur le sujet se déroule à l’école mais aussi à la maison. Et notamment par le jeu et les jouets. Que peuvent faire les parents sur le sujet ?
J’aime beaucoup cette phrase de Aurélia Leblanc (issue du livre « Tu seras un homme féministe mon fils ») : « Ce jouet suppose-t-il d utiliser ses parties génitales ? Oui : ce n’est probablement pas un jouet pour enfant. Non : ce jouet convient aussi bien aux filles qu’aux garçons ».
Le fait de genrer les jouets est avant tout une stratégie marketing. Les marques proposent un vélo bleu et un vélo rose pour inciter les parents à acheter 2 vélos plutôt que de transmettre le vélo entre les enfants. Mon conseil aux parents est donc d’essayer d’arrêter de répondre aux diktats de la société de consommation.
J’ai conscience que la démarche n’est pas simple pour les parents. Il s’agit de résister aux envies des enfants, qui veulent juste être comme les autres. Je conseille aux parents de ne pas rester seuls face à ce sujet et d’en parler avec d’autres enfants. Agir pour le féminisme se doit d’être collectif ! Prenons l’exemple d’un petit garçon qui veut mettre un pull rose. Si vous sensibilisez les autres parents que c’est important pour lui, que vous avez besoin que les parents en parlent à leurs enfants, cela ne devrait pas poser de problème. C’est à chacun d’entre nous d’être pro-actif. Sinon, c’est la société qui nous écrase.
Quels sont les 3 conseils que tu pourrais donner aux parents qui souhaitent impacter positivement sur l’égalité Femme / Homme ?
Je pense que les parents peuvent déjà commencer par diversifier au maximum les ressources pédagogiques. J’en cite de nombreuses dans mon livre comme Le Jeu du Turfu (dès 4 ans), le Mémo de l’égalité – émotions (dès 3 ans) ou le jeu Les Femmes sortent de l’ombre (dès 12 ans). Le monde de l’édition a réussi à bien renouveler le genre, comme « Sous les paupières » (dès 3 ans), « Cendrillon libératrice » (dès 6 ans) ou la collection très intéressante « On ne compte pas pour du beurre ».
Ensuite, je conseille aux parents de monter que le sujet de l’égalité est un sujet joyeux ! Alors n’ayons pas peur d’en parler et échangeons sur le sujet avec nos enfants de manière pacifiée.
Enfin, je conseille de ne pas lâcher. Le sujet du féminisme et de l’égalité se déroule sur un temps long. Acceptons-le mais ne nous disons jamais que la société est plus forte…
Tu évoques évidement aussi le sujet du féminisme en entreprise. Les actions politiques sont souvent punitives. Comment aborder le sujet de façon positive et non culpabilisante ?
Aujourd’hui, il existe de nombreuses solutions pour faire bouger les lignes en entreprise sur le sujet. Pour ma part, j’ai créé Remixt justement pour être dans une approche positive et non culpabilisante. Avec Remix, on sensibilise les collaborateurs en leur faisant comprendre que l’on a tous des biais. Et le tout avec une approche ludique et positive.
J’aime bien aussi l’idée du théâtre d’entreprise. On fait jouer des scènettes aux collaborateurs sur les stéréotypes de genre. C’est une excellente façon de sensibiliser.
Enfin, les conférences et les ateliers sont aussi de très bons moyens de sensibiliser sur ces sujets en entreprise.
Bref, il n’existe pas uniquement les quotas et les sanctions ! Plein de solutions positives sont très efficaces. C’est à chacun d’agir pour le féminisme !
Tu termines ton livre avec une partie sur les violences faites aux femmes. Comment sensibiliser les hommes (et ne plus culpabiliser les femmes) ?
L’approche du sujet des violences faites aux femmes a longtemps été focalisée sur les femmes. Il est largement temps aujourd’hui de s’attaquer aux auteurs de ces violences.
A mon sens, là encore, il s’agit d’objectiver le sujet. Comment les féminicides arrivent ? Quels sont les signaux d’alerte et comment les repérer ?
Il s’agit également d’être plus pro-actif sur l’éloignement des victimes. On peut aussi proposer des stages et des ateliers de sensibilisation.
De manière générale, je pense qu’il faut revoir l’approche juridique du sujet. Le « tout répressif » ne fonctionne pas. La justice réparatrice, par exemple, peut très bien fonctionner. Mais cela coute cher. Pourtant, la part du budget de la justice dans le PIB en France est dans les plus faibles des pays de l’OCDE. Là encore, il faut se donner les moyens, aller au-delà des belles déclarations. Il faut agir !
Enfin, il est aussi essentiel de travailler à l’éducation des jeunes hommes sur le sujet. C’est ce qui va permettre de préparer une nouvelle génération d’hommes.
Et vous ? Comment faites-vous pour agir pour le féminisme au quotidien ?
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