Tout commence autour d’une chocolatine. Christophe n’a pas mangé depuis le matin et me dit qu’il a envie d’une chocolatine. Natif du Sud Ouest tous les deux, nous partons dans un éclat de rire sur la team Chocolatine (ce qui savent savent 😉 ). Puis quelques minutes après, c’est le retour de Ghislain, qui rentre à la maison avec Valentin qui a passé la journée à la crèche. Passé quelques papouilles et éclats de rire, nous commençons notre échange au calme. Et l’animateur TV et radio laisse la place au Christophe Beaugrand papa.
Depuis 20 ans à la TV, Christophe est connu de beaucoup de français. Mais on connait moins l’homme derrière l’écran. 1h30 d’échanges avec lui me montre qu’ il est exactement la même personne. Aligné. Sans masque. A l’occasion de la sortie de son livre « Fils à papa(s) » (aux éditions Plon), j’ai voulu en savoir plus sur son histoire de papa. Car au delà de son parcours pour devenir papa, Christophe est multi-facettes. Et dans toutes les sphères de sa vie. A la TV, il passe du divertissement avec Ninja Warrior à la culture et la politique sur LCI. Dans sa vie, il passe de la légèreté à l’engagement avec la même facilité. Montrer qu’une famille avec deux papas est une famille comme les autres, confier sa vérité, expliquer pour faciliter la juste compréhension des familles homoparentales et donner de l’espoir sont ces objectifs au travers de son livre. Et c’est un pari réussi. Son livre est pédagogue sur la Gestation Pour Autrui (la GPA). Et c’est surtout un livre sur la valeur de la famille. Et un livre plein d’amour. Portrait d’un papa inspirant.
Une envie d’être papa depuis l’enfance
Issu d’une famille très soudée, Christophe a grandi avec des valeurs familiales très fortes. C’est donc naturellement qu’il s’est toujours imaginé papa, dès l’enfance. A l’adolescence, il prend conscience de son homosexualité. Et avec, la difficulté de créer sa famille. Et pour cet optimiste de nature, l’envie se fait encore plus forte. « Mon envie de devenir père a été renforcée par ma prise de conscience d’être gay. Parce que cela semblait impossible, mon désir de paternité est devenu encore plus grand ». Pour autant, son homosexualité n’a jamais été difficile à vivre pour Christophe. « Je me suis assumé très tôt. J’avais une part d’inconscience ! Je ne me suis jamais caché. A 22 ans, j’étais en stage chez LCI et j’en parlais très naturellement ».
A un moment de sa vie, Christophe imagine concevoir un bébé avec une de ses meilleures amies. « Avec le recul, je me dis que cela aurait été une grosse connerie. Mais à l’époque, j’y ai cru ! ». Au fil des années, la reconnaissance des gays évolue en France. « On est un peu passé de rien à presque tout. Il y a déjà eu un gros changement avec l’arrivée du PACS. Puis le mariage pour tous a ouvert les champs des possibles. Le mariage ouvrait le chemin vers la parentalité ». Puis sa rencontre avec Ghislain, son mari, accélère l’envie. « Quand nous nous sommes mariés, on nous a donné notre livret de famille. Quand j’y ai vu toutes les pages dédiées aux enfants, j’ai compris que la société nous acceptait enfin. C’est ce qui m’a le plus ému dans notre mariage ».
L’aventure de la GPA
La décision est prise, les deux amoureux veulent fonder une famille ! Mais pas facile de s’y retrouver dans les méandres de la GPA (Gestation Pour Autrui). « J’ai la chance d’avoir autour de moi des amis qui sont devenus papas grâce à la GPA, comme Jarry ou le président de l’APGL (Association des Parents et futurs parents gays & lesbiens), qui nous ont beaucoup appris sur le sujet. Mais le traitement médiatique qui en est fait n’est pas souvent très juste. C’est aussi pour cela que j’ai voulu écrire ce livre. Raconter comment cela se passe. Ecrire un livre vérité, qui soit utile et pédagogique. Une GPA n’est pas un choix anodin. Et on n’est pas obnubilé par son désir à soi. C’est un parcours d’amour avant tout ». Sans hésitation, Christophe & Ghislain font le choix d’une GPA éthique, aux USA (tout comme Emil & Yo ou Geoffrey & Vincent) . Le process est coordonné par une agence spécialisée. Le tout est encadré par des avocats. Dans son livre, avec un vrai besoin de transparence, Christophe raconte toutes les étapes : le choix de la donneuse d’ovocyte, puis de Whitney la femme porteuse, les différentes étapes médicales, les RDV avec les psychologues, les différents frais financiers, … Raconter pour aider à comprendre.
Un parcours GPA n’est pas de tout repos. « C’est un ascenseur émotionnel sans fin ! On enchaine les bonnes nouvelles, les moments d’attentes, les déceptions, les stress, … ». Mais le futur papa est aidé par sa positivité à toute épreuve. « Je pense que quand on est positif, on reçoit du positif. Alors lors ce parcours de GPA, je n’ai pas vraiment eu peur. En général, j’affronte les peurs au fur et à mesure. Et j’ai fonctionné de la même façon pour la GPA : ne pas se projeter et avancer ». Finalement, sa peur est la même que pour chaque parent : « je voulais juste que la grossesse et l’accouchement se passent bien…. ». (NDLR : si vous voulez comprendre la réalité d’un parcours GPA, au-delà des croyances et des polémiques, je vous invite vraiment à lire son livre)
La naissance de Valentin & la découverte d’un nouveau monde
Le 9 Novembre 2019, c’est le Jour J (ou le D Day puisque cela se passe aux Etats Unis 😉 ). Valentin voit le jour. « C’est définitivement la plus grande joie de ma vie. C’est un moment indescriptible. On a vécu dans un cocon d’amour avec Ghislain, Whitney & son mari.
C’est un moment magique et un shoot d’émotion immense. J’éprouve une gratitude et une reconnaissance éternelles pour Whitney, la mère porteuse de Valentin, son mari et leurs enfants. Le livre que j’ai écrit, c’est aussi pour eux. Whitney est définitivement une héroïne ».
Après quelques jours à l’hôpital, Christophe Beaugrand papa et Ghislain Beaugrand papa restent quelques jours aux US. « On redoutait d’avoir un peu de mal à trouver nos marques. Mais on a été très bien formés par les infirmières de l’hôpital ! Les gestes ont vite été évidents, naturels. Ghislain a eu besoin d’une semaine pour se sentir tout à fait à l’aise. Moi j’ai eu un sentiment de plénitude immédiat. ». Les deux papas découvrent les joies de la paternité, du peau à peau : « Valentin s’endormait sur nous, c’était tellement beau ». Et leurs quelques jours aux US permettent à la nouvelle famille de se découvrir tranquillement. « En principe, à la naissance, tu as un défilé de famille et d’amis. Nous, nous étions juste à 3, dans une bulle. On a appris à faire connaissance, on a trouvé notre équilibre à 3 ».
Le temps de récupérer le passeport de Valentin et il est temps de rentrer à la maison. Et c’est finalement au moment du retour en France que les nouveaux papas vivent leur plus grande peur. « Mon plus gros stress, c’était le passage à la Douane, à notre retour en France. La GPA n’étant pas autorisé en France, je craignais de tomber sur un douanier un peu trop zélé. Et la peur était vaine, tout s’est passé très sereinement ! ».
Une nouvelle vie de papa, plus apaisé
On dit souvent que l’arrivée d’un enfant change tout dans la vie. C’est plus nuancé pour Christophe Beaugrand papa. « Ca change tout et ça ne change rien ! L’arrivée de Valentin nous a beaucoup renforcé dans notre couple. On ne s’est jamais aussi peu engueulé que durant les 1ers mois de Valentin !! ». Mais pour autant, Christophe constate, au fil des mois, qu’il change. « Je me regarde moins le nombril. Je relativise plus, je suis plus zen ».
Au niveau professionnel, l’arrivée de Valentin a aussi eu un impact pour Christophe. « J’ai appris à dire non à des projets professionnels. J’ai, par exemple, refusé le tournage d’une émission en république Dominicaine qui m’aurait éloigné plusieurs semaines de ma famille. Ma priorité, c’est Valentin. J’ai souvent sacrifié ma vie pour le boulot. Plus maintenant ». Pour Christophe, Valentin l’aide à repenser ses envies pros. « Mon fils m’aide à faire le tri et à faire des choix. Et finalement, il m’amène à construire une 2eme partie de carrière. Je reviens plus fortement à mes 1eres amours journalistiques en animant la matinale sur LCI. Pendant des années, j’ai tout donné à ma carrière. Aujourd’hui, j’ai moins à prouver. Je n’aurai pas pu être papa avant, j’étais trop focus sur le travail. Je suis devenu papa au bon moment ».
Pour autant, le quotidien de Christophe & Ghislain n’a pas tant évolué. « On n’a pas tant changé notre façon de vivre. Valentin n’est pas dans un cocon. On l’a intégré dans notre vie. Et quand on fait une fête, il est avec nous. Mais de toute façon, on fait moins la fête et moins tard. Le lendemain, il faut se lever, plus de grasse mat !! ». Parfois tout de même, les deux papas se séparent le temps d’une soirée entre potes. « Pour pleinement profiter et s’amuser ! ». Et la maman de Christophe, qui a déménagé juste à côté de la famille, garde parfois Valentin pour que le jeune couple se retrouve en tête à tête. « Même si quand même, on est plus fatigué, donc on doit un peu s’organiser pur ne pas s’endormir à 21h ! »
Christophe Beaugrand papa engagé
Ce qui a cependant changé, c’est la volonté de Christophe de s’engager. « C’est définitivement l’objectif de ce livre. Je voulais passer un message et parler à tous les publics. Et je voulais que mon histoire soit utile et aide à comprendre. Quand j’étais enfant, la visibilité des gays n’existait pas.
Je fais le choix de médiatiser mon mariage ou mon quotidien sur Insta. C’est aussi un message pour les jeunes gays et leur famille ». Et l’objectif semble atteint au regard des témoignages que Christophe reçoit. « J’ai beaucoup de retours de mamans ou de parents de jeunes homos. Ils me disent qu’ils comprennent que cela ne va pas être simple pour leurs enfants mais que ce livre les aide à comprendre et qu’ils vont pouvoir les accompagner. Et je reçois aussi des messages de jeunes couples qui me disent « on est gay et vous nous montrez que c’est possible ». Je veux prendre la parole pour ouvrir la société à ces sujets. ».
Christophe sait aussi, qu’en s’engageant sur ces sujets, il s’ouvre à des critiques, parfois violentes. « Il y a eu 2 tweet de membres la manif pour tous contre moi. Et cela a déclenché un harcèlement numérique. J’ai l’habitude. Je le vis à chaque fois que je prends la parole sur ces sujets ». Mais son engagement est plus fort. « Cela me touche mais ce n’est pas si grave. Et prendre la parole fait parti de mes devoirs. Et ces messages haineux sont compensés par les 98% de messages positifs que je reçois ». Quand le Christophe Beaugrand papa apaisé prend le dessus…
Christophe en est persuadé, la situation de la GPA va revenir dans le débat public. « Il va y avoir des évolutions. Aujourd’hui, la majorité de l’opinion est favorable à la GPA (autour de 55%). C’est voué à évoluer. Mais pas de suite. Dans quelques années. Mais il reste aujourd’hui le problème de la reconnaissance d’enfants nés de GPA à l’étranger… ».
Christophe Beaugrand papa au quotidien
La vie de Christophe, Ghislain & Valentin est la même que toutes les familles. « Je me réveille en 1er et je profite du calme pour faire un peu de sport en regardant des débats politiques à la TV. Puis je réveille Valentin vers 8h15, puis petit dej et toilette. Je l’amène tous les matins à la crèche. Et je pars bosser. Ghislain le récupère à la crèche à 17h. En fonction de mes activités pros, cela nous laisse un long moment pour jouer à 3. Puis nous couchons Valentin vers 21h ». La vie des deux papas est aussi facilité par Valentin. « C’est un enfant très cool, facile et gentil. Il a fait ses nuits facilement ».
En terme d’éducation, ce sont naturellement des valeurs de tolérance, d’acceptation de la différence et de respect que les papas veulent transmettre à Valentin. « Je crois aussi beaucoup à l’humour. C’est mon père qui m’a appris la puissance de l’humour et de l’auto-dérision. On veut apprendre à Valentin à se marrer. Que rien n’est vraiment grave ». Et avec un chien et un chat à la maison, les papas veulent aussi apprendre à Valentin le respect des animaux. Et enfin, ils le poussent à prêter ses jouets à d’autres enfants, pour lui apprendre le partage.
Passer 1h30 avec Christophe, c’est se fixer un sourire sur son visage, tellement on sent le bonheur du papa. D’ailleurs, selon lui, Valentin dirait de son papa « que c’est un papa rigolo. Il adore que je lui raconte des histoires où j’imite des chats !! ». Et avant de se quitter, Christophe me raconte une dernière anecdote. « Valentin me voit parfois à la TV. Et il n’y a pas longtemps, LCI était allumé et il dit « Papa, papa ! ». Mais non… Ce n’était pas moi… C’était Arlette Chabot !! Valentin avait juste reconnu le logo de LCI ! Enfin, j’espère que c’est bien ça l’explication !!! ».
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