Dans la famille d’Eric, il y a 5 nationalités et 12 passeports ! Il se dit être un papa normal avec « juste une histoire un peu différente ». Cette phrase est à l’image de ce que je perçois dans sa voix lors de notre échange : un homme plein de pudeur et d’humilité. Eric, c’est un papa qui a construit une famille du monde. Avec sa femme Susana, catalane, ils ont adopté trois garçons de trois pays d’Afrique : Bénin, Ethiopie et Niger. Le voyage d’une vie fort en émotion pour un papa tout en douceur. Et surtout une très jolie histoire d’amour et de tolérance. Portrait de ce papa incroyablement inspirant.
Escale 1 – le début du chemin vers l’ adoption
Quand il rencontre sa femme, peu avant ses 30 ans, Eric évoque vite la question de fonder une famille. Tous les deux, sans savoir que cela allait être leur histoire, envisagent déjà la question de l’adoption, plus pour ce que cela représente que comme une solution ultime. Et il semble que cela ait été écrit… Devant la difficulté à avoir des enfants « naturellement », le jeune couple passe alors par le process de FIV. En parallèle, ils entrent dans le protocole d’accompagnement psychomédical orienté vers l’adoption. « On a décidé de tout lancer en même temps, pour avoir un coussin pour amortir la déception si les FIV ne fonctionnaient pas ». C’est ce qui est arrivé : Eric & Susana obtiennent l’agrément pour adopter en 2006, le jour de l’anniversaire d’Eric. Comme un signe vers un renouveau après un process de « deuil » de plusieurs mois nécessaire pour oublier le fait d’avoir un enfant biologique.
Eric & Susana décident dès le début de se tourner vers l’adoption internationale. « Nous savions qu’il y avait peu d’adoptions en France et nous étions un couple bi national. Nous avions envie de ça ». Au début, ils décident de regarder du côté de l’Amérique du Sud (la femme d’Eric étant espagnole) ou vers l’Asie car il leur semble que l’intégration en France sera plus facile pour l’enfant. Avant de changer leur regard sur leur projet et se dire qu’adopter, c’est « surtout donner une chance à un enfant qui en a besoin », ils décident alors de se tourner vers l’Afrique.
Adoption : Escale 2 – en route vers le Bénin
Mais à désormais 37 ans, ils sont considérés pour certains pays comme déjà trop âgés pour adopter et donc non prioritaires… En 2007, grâce à des connaissances, ils rencontrent un couple en cours d’adoption au Bénin. On leur parle d’un petit garçon de 10 jours, mal en point, en survie mais qui se bat pour vivre. Ils décident alors de partir immédiatement pour le Bénin. Ils y resteront neuf mois, le temps finalement d’une grossesse classique. « Nous étions dans une démarche individuelle, sans passer par une OAA (Organisme Agréé pour l’Adoption). A ce moment là, le pays n’avait pas signé la convention de La Haye qui oblige les pays à passer par les OAA. Les process administratifs étaient donc très longs ». Ce n’est plus le cas aujourd’hui, le Bénin a renforcé la protection de ses enfants en confiant la mise en relation enfant – famille à des OAA.
Ils enchainent ensuite neuf mois d’allers et retours pour assurer, avec l’aide de leurs parents respectifs, une présence continue auprès de leur futur fils, Noam. Il reprend peu à peu des forces, porté par l’amour de sa nouvelle famille. « Nous sommes partis à deux les dix premiers jours puis nous avons dû revenir pour nos boulots respectifs. Par la suite, Susana a pris un congés sans solde de 5 mois pour rester auprès de notre fils ». Un moment difficile pour le papa qui doit vivre ces longs mois à distance. Les neuf mois en intermittence sur place ont cependant permis aux nouveaux parents d’apprendre la culture du pays, de s’en imprégner pour mieux la raconter plus tard à leur fils.
Escale 3 et 4 – l’Ethiopie et le Niger
Dès leur retour en France avec Noam, Eric & Susana décident de lancer une nouvelle procédure avec une OAA. Cette fois-ci, leur dossier est accepté, … Ils décident de rester sur le continent africain et s’orientent cette fois vers l’Ethiopie. La culture du pays est différente, les procédures également. C’est cette fois-ci beaucoup plus rapide: ils partent une semaine pour rencontrer Etan, 16 mois, qui est en orphelinat. Ils passent avec lui quelques heures par jour et découvrent un bébé assez tendu, peu souriant et peu communicatif . « Nous lui montrions des photos de sa future vie mais nous avions du mal à percevoir ses émotions ».
Un mois et demi après les premières rencontres, c’est cette fois Eric qui part seul pour aller chercher et ramener Etan en France. Leur deuxième fils a alors 18 mois. « Quand nous avons posé les pieds sur le quai de la gare, ma femme et notre premier fils nous attendaient. Les regards des deux garçons se sont croisés et instantanément, un énorme sourire s’est posé sur le visage d’Etan. Leur complicité a été immédiate, comme évidente et naturelle ». Le petit garçon s’est de suite ouvert et son intégration a été très facile par la suite.
Eric & Susana ayant toujours souhaité avoir trois enfants, décident de lancer un troisième projet d’adoption, toujours en Ethiopie. Mais entre temps, le pays s’est fermé à l’adoption et leur dossier reste bloqué quatre ans. Une amie leur parle alors d’une association au Niger qui cherche des parents adoptants. En deux mois, leur dossier est accepté. Octobre 2017, Eric part au Niger pour aller chercher Leo, qui a deux ans. Il est à l’orphelinat depuis ses premiers jours. Tout comme pour Etan, Eric & Susana ne connaissent rien de son histoire. A son arrivée, Leo est également un peu sur la réserve. A nouveau l’intégration se fait très vite entouré de ses deux grands frères. « Aujourd’hui, ce sont trois frères très soudés ».
Escale 5 : la route de l’intégration
Le rôle d’un parent est de mettre ses enfants sur les bons rails de la vie. Pour Eric, c’est celui d’être un guide et de faciliter au mieux l’intégration de ses fils. « On leur a expliqué le chemin de l’adoption dès leur plus jeune âge, pour qu’ils comprennent et se construisent avec le moins de doutes possibles. On leur montre des films, des photos ». Et puis les enfants avancent avec leur histoire qu’ils se façonnent eux-mêmes. Ils construisent leur histoire entre eux, ne laissant échapper que quelques bribes à leurs parents adoptifs. « Pour Etan, il s’est construit son passé … alors que l’on ne sait rien sur celui-ci ».
Pour Eric, cela peut même être parfois plus délicat à gérer quand on connait l’histoire de l’enfant: c’est le cas pour leur plus grand, Noam. « Nous avons aidé la famille avec laquelle nous gardons un lien par personne interposée, mais nous tenons à préserver Noam dans sa construction, ici chez nous. On veut lui épargner toute dualité compliquée à gérer quand on est encore enfant.».
Selon le papa, il s’agit de trouver le juste équilibre dans les explications ou les réponses à donner à ses enfants. « On ne devance pas forcément toutes les questions. On y répond quand elles se présentent. Et cela leur suffit pour avancer ».
L’équilibre réside aussi pour Eric dans le fait de les connecter à leur culture d’origine. « On a très envie de retourner dans leur pays, de leur faire partager ce que nous avons vécu. Mais on préfère attendre qu’ils soient capables de vivre cela pleinement et qu’ils ne soient pas déstabilisés par ce voyage ». Alors en attendant, ils dînent parfois dans un restaurant éthiopien (Etan adore les injeras), écoutent de la musique africaine. « Noam a un don naturel pour la danse et la musique avec un sens du rythme incroyable. Un djumbé entre les mains pour la première fois et on a l’impression qu’il en joue depuis des années ! ». La tribu familiale fait également partie d’une association avec d’autres familles mixtes avec lesquelles ils passent quelques moments et un week-end annuel (Leo semble d’ailleurs y retrouver la chaleur de son désert même chez les Ch’tis). « On essaye de leur faire revivre leur culture d’origine mais on prend également garde à ne pas trop en faire. Si l’enfant exprime un besoin, oui nous devons y répondre mais pour autant on ne doit pas le pousser ».
Escale 6 : Un voyage d’amour et de tolérance
La construction de cette famille du monde est pour Eric un voyage heureux et enrichissant. « C’est un long et difficile chemin mais où chaque étape franchie est vécue comme une victoire ». Le papa se souvient encore de sa forte émotion dans chacun des parcours d’adoption où le 4 juillet (son anniversaire) a toujours marqué l’histoire de ses 3 rencontres : 2006 premier agrément pour Noam, 2010 mise en relation avec Etan et 2016 attribution de Leo. « Pour Etan & Leo, l’émotion a été extrêmement forte car la rencontre avec eux a été très rapide ». Les premiers moments ont aussi été différents. « Pour Noam, il s’agissait de lui apporter énormément d’amour et de protection. Nous devions le ré-alimenter, il était véritablement en survie. Pour Etan & Leo, il s’agissait de leur apporter la sécurité et de faciliter leur accueil dans la famille ».
Avec son histoire et ses trois enfants, Eric essaye d’être très disponible. « Quand on est dans l’adoption, il y a une responsabilité forte. C’est un engagement. Je me dois de leur apporter une réelle stabilité de vie ». Le couple leur fait partager les valeurs qui ont contribué aux fondations de leur famille. « Chacun peut avoir un intérêt ou une raison propre d’aller vers l’autre. J’essaye de leur faire comprendre le monde, et de l’importance de ne pas s’enfermer sur soi. Je souhaite qu’ils puissent appréhender la force de la générosité et de l’accueil ».
D’ailleurs, leurs enfants semblent avoir très bien intégré la situation. « Nous étions en voiture dans un quartier difficile de Paris et l’un de nos fils nous dit « C’est l’Afrique ici ? ». On a vu dans leur regard un « On est comme eux mais on n’a pas la même vie… ». Les trois garçons se disent chanceux mais le papa se dit l’être tout autant. « On a vécu quelque chose d’extraordinaire, on a la chance d’avoir trois enfants. On a aidé des enfants en difficulté. Ils nous font confiance et c’est à nous de ne pas trahir cette confiance ». Dans cette famille du monde où co-existent cinq nationalités, tout l’enjeu est « de laisser la place à chacun d’exister, dans ce qu’il est profondément ».
Eric (« Papa beige », comme l’appellent ses enfants, eux étant les « enfants marrons »), se réjouit d’ « accompagner ses enfants dans la vie » pour leur faire vivre un magnifique voyage plein d’humanité…
Et vous, que pensez-vous de l’histoire d’adoption d’Eric et de sa famille ?
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