Il y a des rencontres qui résonnent différemment. Laurent en fait partie. Partager un moment avec ce papa, c’est vivre un moment de fortes émotions. C’est aussi un message de force et de résilience. Suite au décès de son épouse après de longues années de combat contre plusieurs cancers, Laurent se retrouve, il y a trois ans, papa solo avec ses quatre enfants (entre 12 et 21 ans) à la maison. Raconter son histoire est pour lui un moyen de continuer d’avancer (et vous pourrez constater comment Laurent avance avec ses nouvelles d’il y a quelques mois…). Pour lui. Pour ses enfants. Portrait d’un papa qui inspire un profond respect.
Du bonheur à six à la solitude
C’est l’histoire d’une famille heureuse avec quatre enfants. Et un jour, il y a 9 ans, lors de vacances en Grèce, tout bascule. L’épouse de Laurent se découvre une petite boule au sein. Le diagnostic est fait, c’est une tumeur. Passé le choc, le couple est confiant, rassuré par les statistiques de guérison du cancer du sein. Ils tentent un nouveau protocole pour extraire la tumeur plutôt que de procéder à une ablation du sein. Sauf que la tumeur est diffuse. L’opération ne fonctionne pas. S’en suit plusieurs chimiothérapies et opérations pour finalement procéder à l’ablation.
Soulagés, ils reprennent leur vie paisible de famille. Mais deux ans après, l’épouse de Laurent commence à ressentir un fort mal de dos. Après plusieurs examens, Laurent, en déplacement professionnel sur Genève (Il est consultant), reçoit un appel de sa femme : le cancer est revenu et s’est propagé dans les os et le foie. Nouvelles chimios. Sa femme, très combattante, gagne de nouveau contre la maladie.
Le scénario se reproduit de nouveau 2 mois après, lors de vacances. Prise de douleurs à la tête et de vertiges, le diagnostic tombe à l’automne 2014 : le cancer s’est cette fois propagé dans le cerveau et la moelle épinière. En deux mois, elle perd l’usage de ses jambes. Laurent et son épouse décide d’installer une chambre médicalisée à la maison, pour « profiter » au mieux de la famille. Laurent de son côté négocie du télétravail pour l’accompagner au mieux puis fini par devoir arrêter de travailler pour s’occuper pleinement de son épouse, jours et nuits. Tout en assurant en parallèle la « logistique » de la vie de famille et les 4 enfants, Margot, Charlotte, Louis & Jules. Durant cette période, Laurent « souhaite évoquer les souvenirs, regarder les photos de notre vie» avec sa femme. Mais elle refuse. Elle est dans le dénie de ce qui va arriver. Un moment douloureux pour Laurent.
En Avril 2015, les médecins apprennent à Laurent que sa femme n’en a plus pour longtemps. « C’est alors difficile à admettre que l’on ne peut plus rien faire. Surtout qu’elle était si combattante et qu’elle avait déjà gagné contre la maladie plusieurs fois ». Il prend quelques jours puis décide d’annoncer la terrible nouvelle à ses enfants, âgés à l’époque de 18, 16, 15 et 9 ans. Avec eux, il est concret, utilise les « vrais mots » pour ne rien leur cacher et les préparer.
Au bout de six mois où « l’on vit au rythme de la maladie », c’est la fin, l’épouse de Laurent décède. Le dernier baiser sera celui donné par Jules, le petit dernier de la fratrie, seul à réussir à embrasser sa maman avant que le cercueil ne se referme.
Un papa pilier
Après le décès de sa femme en Juillet 2015, Laurent décide, sur les conseils de son médecin, de ne reprendre le travail qu’en Septembre. Pour faire son deuil. Pour accompagner celui de ses enfants. Pour vivre ensemble chaque jour à cinq. Il décide de partir trois semaines à la montagne avec ses quatre enfants. Enchainer les randonnées, se retrouver. « On a évacué tous les derniers mois ensemble, très soudés ». Des moments forts et intenses. « Chacun craquait successivement mais on le faisait ensemble, on se soutenait et on avançait ensemble ». Puis ils décident de poursuivre leurs vacances en vadrouillant en France, en s’arrêtant dans tous les endroits où ils étaient partis à six. « Comme un hommage, un ultime retour à ce que nous étions ».
En Septembre, la vie reprend. « Ecoles pour les enfants, travail pour moi, nous nous occupions à retrouver nos marques, à re-créer un quotidien ». Pour redémarrer. Pour continuer. Avec ce nouveau rôle de papa solo, il se retrouve à tout gérer seul, l’affectif comme les lessives. « je ne pouvais pas remplacer leur maman mais j’ai voulu compenser son absence ». Laurent s’épuise à être partout et fini par relativiser. « J’ai appris à me dire que je ne pouvais pas tout faire, à lâcher prise, à aller à l’essentiel. Avant je voulais tout maîtriser… Maintenant, je suis plus cool ! ».
A cette époque (et encore parfois aujourd’hui), Laurent a des difficultés à trouver le sommeil, hanté par les six derniers mois de combat auprès de son épouse. Il tient bon, pour ses enfants. « J’ai décidé de changer pas mal de choses,de trouver un autre rythme ». Il se met à la course, perd 20 kg. « Je n’ai jamais perdu pieds, pour mes enfants, pour ma femme ». Mais se retrouver seul est terriblement difficile pour Laurent.
L’impérieux besoin d’avancer
Un jour, un basculement s’opère chez Laurent. « J’ai compris que mes enfants ne pouvaient être heureux que si je l’étais moi. Je leur étais complètement dédié. J’aurais pu m’enfermer dans cette spirale et j’ai décidé de faire l’inverse. M’occuper aussi de moi ».
Il décide de s’évader un peu, de sortir, de voir des gens qui ne connaissent pas son histoire. « Je m’occupais des enfants puis je partais quelques heures. J’avais besoin de respirer ». Durant plusieurs mois après la disparition de sa femme, il pense rester seul pour le reste de sa vie. « Qu’avais-je à offrir, moi papa solo de 4 enfants, veuf ? ». Puis finalement, il fait de nouvelles rencontres amoureuses. Aujourd’hui avec une amie, il ne se voit pas pour autant dans un quotidien avec elle à la maison. « Je veux protéger mes enfants, préserver leur équilibre. Pour l’instant, avec mon amie, c’est chacun chez soi ».
Faire des projets et se projeter reste difficile. Le regard de Laurent sur la vie a changé. « Je sais que la vie est précieuse. Tous les jours, je vois des gens qui se pourrissent la vie pour rien. Moi je suis presque dans l’excès inverse. Je veux tout, tout de suite, je suis dans l’instant ».
Une famille soudée comme un seul Homme
Une telle histoire impacte forcément les personnalités. Ils se sont mutuellement aidés à rebondir. « Mes enfants me donnent la force et l’énergie et c’est aussi ce que je leur transmets ». Là aussi, un héritage décuplé de leur maman et épouse qui avait cette force.
Les enfants ont su garder leur naïveté même si « une grande maturité leur est tombé dessus ». La nouvelle famille à 5 avance et grandit, probablement plus soudée que beaucoup d’autres. « Sans se dire les choses, on se comprend. Un regard est souvent suffisant. Tout cela nous a rapproché ». Même s’il s’autorise de plus en plus de moments pour lui, Laurent sait que ses enfants ont encore besoin de lui (son dernier, Jules, a juste 12 ans). « Parfois, je ne fais pas tout bien … mais ils me pardonnent, ils comprennent ! ».
Cette année est une année charnière pour les trois grands de Laurent. Margot va entrer en école d’ingénieur, Louis va passer des concours (il est en math spé) pour aussi intégrer une école d’ingénieur et Charlotte va passer son bac. Quant à Chouchou (le surnom que toute la famille donne à Jules, le petite dernier) il passera en 4ème. « Je suis très fier d’eux ».
Raconter son histoire n’est pas une impudeur pour Laurent. Tout comme Douglas, lui aussi papa solo, il s’agit plus pour lui de partager une expérience et un apprentissage. « Pour un papa solo, c’est important aussi de prendre soin de soi, ne pas s’oublier sous prétexte que les enfants ont besoin ». Et de partager un message fort. « Quelques soient les épreuves, il faut garder une grande confiance entre les membres de la famille, se parler. Et par dessus tout, faire bloc, rester soudés, avancer, … ».