Quand je propose à Thibault de se rencontrer pour parler de son rôle de papa, il me dit sa surprise se considérant comme un « papa normal ». Avec peu de choses à raconter. Pourtant, avec une vie riche et trois adolescents à la maison, on va balayer des dizaines de sujets avec ce papa d’ados ! Et voyager entre son rôle de papa moderne tout en nuances, sa soif de tolérance et d’ouverture pour ses enfants, les défis d’éducation que représentent internet et la sexualité pour ses ados, …. Morceaux choisis du parcours de ce papa inspirant.
Un papa en évolution
Comment présenter Thibault, 43 ans, marié à Audrey et papa de 3 enfants de 16, 14 et 9 ans ? Si on écoute ses enfants, c’est un papa « pratique » ! Cette anecdote vient d’une journée de vacances il y a deux ans, où toute la famille était de mauvaise humeur. Pour changer la donne, Thibault lance le jeu de la cuillère où chacun exprime un compliment à un membre de la famille. Et il est alors nommé par ses enfants le « papa pratique » ! Un chouette compliment !
Thibault, journaliste et producteur de contenus, devient papa à 26 ans. A une époque, pourtant pas si lointaine, où la place du père n’est pas dans la présence et les émotions. « Au début, je n’étais pas forcément à l’aise, on apprend à être papa ». Puis, au fil des années et des deux naissances suivantes, Thibault gagne en confiance. « Même si tu as l’expérience, tu es dans l’adaptation permanente. Chaque enfant a sa propre personnalité et tu gagnes alors en souplesse. Il n’y a pas une façon unique de faire ». Et les questions « logistiques » du début laissent la place aux questions d’une famille de trois enfants. « Comment réussir à intégrer la notion de fratrie entre eux ?».
Aujourd’hui, aussi bien par choix que par opportunités professionnelles des deux parents, c’est Thibault qui est le plus présent dans le quotidien de Noémie, Malo et Louise. Il constate qu’en quinze ans, « le regard a changé, on accepte plus le rôle du papa ».
Un papa authentique
Thibault est un homme entier, avec des valeurs humaines fortes très ancrées. Surement l’héritage des quatre premières années de sa vie au Sénégal. Pour lui, l’important est d’être vrai. « Je veux être le plus sincère possible avec moi-même pour l’être avec mes enfants et leur transmettre cette valeur ». Et donc assumer ses joies comme ses peines. « Avec les enfants petits, cela passait par les regards, puis en grandissant par les mots ».
Accepter ce que l’on est pleinement est un levier fort dans ce que Thibault souhaite transmettre à ses enfants. Si Thibault ne croit pas en les stéréotypes masculin / féminin, il en est évidement de même dans son rôle de papa. « L’aspect traditionnel d’une famille,avec une répartition figée des rôles entre la mère et le père, n’existe pas chez nous. C’est volontairement nuancé. Je peux représenter à la fois la douceur et l’autorité. Et je ne souhaite pas que mes enfants se construisent en s’enfermant dans des postures binaires ». Cela semble d’ailleurs complètement intégré par les enfants. « Ma dernière m’appelle parfois « MaPa », contraction de Maman et Papa ! Et je suis tout à fait à l’aise avec cela ! ». Cela se traduit aussi dans les choix d’activités de leurs enfants. « J’ai toujours dit à mes filles qu’elles pouvaient faire du foot si elle en avaient envie, que ce n’était pas réservé aux garçons ! ».
Pour Thibault, être papa, c’est « ouvrir les portes, les champs des possibles ». Et passer du temps ensemble pour « construire des souvenirs », pilier de la vie d’adulte. Il évite alors au maximum d’être trop dans l’interventionnisme. « Sauf pour l’apprentissage de la musique et des langues étrangères ! Ce sont pour moi des fondamentaux dans la vie ! ».
De l’importance de la confiance et de la vérité
On pourrait alors croire que consacrer beaucoup de temps avec ses enfants permet à Thibault de mieux comprendre leurs besoins. Ce n’est pourtant pas si évident. « Finalement, plus j’ai de temps avec eux, moins c’est évident d’avoir le juste recul sur ce qu’ils vivent ». L’autre problématique de temps que rencontre le papa est « d’avoir du temps dédié à chaque enfant ». Il essaye alors d’avoir toujours en tête le bon équilibre pour chacun de ses enfants, de s’ « adapter en fonction de la personnalité et des moments de l’enfant ». Surtout que les besoins sont différents entre Louise, 9 ans, très en demande de son papa, et Noémie et Malo, ados, plus en quête d’indépendance.
Etre dans un quotidien fort avec ses trois enfants oblige aussi Thibault à se remettre régulièrement en question. Pour ne pas se perdre, il a son fil rouge, ses grandes lignes directrices dans l’éducation : le partage, la confiance et la vérité. « La confiance, c’est à la fois d’encourager la confiance en eux et la confiance en moi. Je leur dis souvent que je ne veux pas connaître toutes leurs histoires, pour respecter l’intimité importante à des ados. Mais qu’ils peuvent avoir confiance en moi pour me poser toutes les questions ». Et il en est de même pour la notion de vérité. « C’est pour moi un principe de vie. Etre vrai, cohérent, s’interroger sur les gens, leurs amis. Et je me dois, pour que ce soit compris par eux, d’incarner complètement cette notion, d’être dans l’exemplarité ».
Cette notion de vérité se traduit dans le quotidien. « Je ne veux pas les formater, je souhaite qu’ils soient pleinement libres d’être eux-mêmes. C’est aussi accepter leurs choix différents pour qu’ils puissent aller au bout de leur démarche ».
Les défis d’un papa d’adolescents
Et les laisser évoluer tout en leur donnant un cadre est un travail de chaque jour selon Thibault. « Avec un petit enfant, c’est plus facile. On maîtrise les sujets, ils sont plutôt à l’écoute. Avec des ados, on est confronté à des thèmes moins évidents -les réseaux sociaux, la sexualité, la mixité, la mort,…- et ils sont plus dans l’opposition. C’est bien car cela peut permet de développer leur pensée critique mais un rapport de force se crée souvent ».
Pour ce papa, la clé avec des ados est de ne pas les laisser aller dans un isolement. De toujours garder des moments d’échanges, de « libérer la parole au maximum ». Un joyeux équilibre à apprivoiser pour le papa d’ados. « Il s’agit selon moi de rappeler les règles tout en respectant leur intimité et leur choix ». Et c’est de suite moins évident quand les ados sont confrontés à des groupes. « Je me souviens d’un de mes ados qui nous racontait que des « sale arabe » ou « sale pédé » étaient balancés lors d’activités sportives et qu’il n’était pas forcément à l’aise avec cela. Je lui ai expliqué qu’il devait essayer de gérer comme il pouvait mais que nous n’acceptions pas ces mots qui étaient de véritables insultes ».
Pour Thibault, libérer la parole veut aussi dire de ne pas avoir de tabous. « La grande question est de savoir si on doit aller au devant des sujets ou attendre qu’ils arrivent ». C’est notamment vrai pour les questions de l’utilisation d’internet et la sexualité (la prévention et le consentement). Pour tous ces sujets, le papa garde sa philosophie de liberté de parole. « Je n’ai pas envie de leur dire ce qu’ils doivent ou ne doivent pas faire. Mais plutôt de leur donner les clés de compréhension ». Pour internet par exemple, les parents ont fait le choix de mettre l’ordinateur dans le salon et de ne pas mettre de filtre parental. Et d’expliquer au maximum les bienfaits comme les dangers du web. De même pour les réseaux sociaux qui sont interdits avant 13 ans au sein de cette famille. « On n’a pas interdit sans expliquer. On a parlé longtemps des dangers, du fait que tout pouvait « fuiter », qu’une photo pouvait les suivre toute leur vie ».
Un papa adoré
Tout ce que mène Thibault n’est pas vain. Il a droit parfois à de jolis déclarations pleines d’amour et de reconnaissance de la part de ses 3 enfants. Comme le jour où son fils Malo doit rédiger sa bio pour un devoir de français. Il y écrit que sa grande soeur lui manque, qu’il aimerait passer plus de temps avec elle. Ou quand le même Malo, après une après-midi à deux avec son papa raconte qu’il a passé le meilleur moment de sa vie ! « Mes plus grandes fiertés sont d’avoir réussi à créer une fratrie forte et de voir en eux se développer une belle intelligence relationnelle ».
Thibault n’estime pas pour autant être arrivé au bout du chemin ! « Etre parent, ça se construit, on le devient au fil de l’eau ». De nouveaux défis et aventures en perspective pour ce papa d’ados mais toujours avec en ligne de mire de construire des relations authentiques et d’égal à égal….
Actions
L’ADN de ce blog, c’est de pouvoir s’inspirer d’histoires de papas pour mettre en place des actions permettant d’améliorer son quotidien de papa. Je vous en propose ici quelques unes:
- Acceptez que rien ne soit jamais figé : être parent, c’est faire face à des personnalités en construction. Et donc par définition en mutation. Ce n’est pas toujours évident mais aussi très enthousiasmant ! Pas de raison de s’ennuyer ! La vérité d’un jour peut ne plus être celle du lendemain…. Pour y faire face, ne jamais oublier de s’adapter.
- Soyez authentique ! : On le dit souvent, les enfants sont des éponges et les parents sont les référentiels. Cette exemplarité ne doit pas être un poids mais être naturelle. Et pour cela, soyez vrai ! Pas de masque, soyez juste vous, ce sera infiniment plus facile d’être authentique.
- Libérez la parole : c’est vrai avec des jeunes enfants mais cela l’est encore plus avec des ados. Sans pour autant devenir des amis, essayez au maximum de créer un climat de confiance, une bulle familiale où tout peut être abordé sans jugement. Réussir à créer cet espace est un vrai cadeau à faire pour vos enfants…. et pour vous !
Et vous, que pensez-vous de l’histoire de Thibault ?
Positivons, partageons et commentons ci dessous !