Depuis quelques mois, les médias sont de plus en plus nombreux à parler des VEO, les Violences dites Educatives Ordinaires. Mais concrètement, de quoi parle-t-on quand on évoque les VEO ? Comment éviter les VEO envers son enfant ? Pour nous aider à y voir plus clair, Histoires de Papas a interrogé Cédric de Papatriarcat. Véritable papa engagé et militant, Cédric a développé une expertise sur les VEO dont il parle souvent dans son podcast passionnant.
Au travers de cet interview, Cédric nous explique ce que sont les VEO, d’où elles viennent et comment elles se matérialisent. Et surtout comment nous pouvons évoluer dans notre éducation pour éviter les VEO et ainsi mieux préserver nos enfants. Avec toujours en mémoire qu’il n’existe pas de méthode type mais un parcours propre à chacun.e…
Cédric, peux-tu te présenter ? ton parcours ? pourquoi t’intéresses-tu particulièrement aux VEO ?
J’ai 37 ans, en couple depuis 15 ans et je suis l’heureux papa d’une Sarah d’un peu plus de deux ans. J’étais manager à la Fnac et j’ai arrêté en Janvier 2020 pour m’occuper à quasi temps plein de ma fille.
J’ai créé le Podcast « Papatriarcat » en Février avec deux grands objectifs : sensibiliser sur les Violences dites Educatives Ordinaires (VEO) et pour lutter pour l’abolition du patriarcat.
J’ai moi-même, en tant qu’enfant, subi et vécu des VEO. J’ai appris, grâce à une thérapie, que toutes mes difficultés de ma vie d’adulte étaient liées à ma construction d’enfant blessé par les VEO. J’ai également compris que les violences de notre monde prennent racines dans les VEO. Si on veut les éradiquer, on doit s’intéresser à la source. J’ai donc beaucoup travaillé sur le sujet, ce qui m’a permis de développer une « expertise » sur les VEO.
Peux-tu nous expliquer ce que sont concrètement les VEO ?
Olivier Maurel, fondateur de l’OVEO (Observatoire de la Violence Educative Ordinaire), donne la définition suivante : « Les Violences Educatives Ordinaires (VEO) rassemblent les diverses formes de violences utilisées quotidiennement pour éduquer les enfants, dans les familles et les institutions (écoles, crèches, assistantes maternelles…). Plus concrètement, les VEO comprennent, bien entendu, la violence physique, les châtiments corporels : gifles, fessée … mais elles comprennent aussi toutes ces autres formes de violences, bien plus discrètes, dont les dégâts sont pourtant tout aussi importants sur l’enfant : l’amour « conditionnel », les menaces, les humiliations, etc …
Peux-tu STP nous donner des exemples concrets de VEO ?
Elles sont malheureusement nombreuses (et souvent liées à l’adultisme) : une gifle donnée, la punition, le rapport récompense / punition, mettre au coin ou isolé un enfant, obliger un enfant à prêter ses jouets, terminer son assiette, obliger l’enfant à faire un bisou pour dire bonjour, ne pas respecter le consentement de l’enfant, …
A ces exemples, j’entends parfois (souvent) « mais c’est du laxisme » ! Je ne le pense pas. L’enfant n’aime pas les limites mais adore les règles. Demander à un enfant d’obéir sans réfléchir, cela va à l’encontre de ce qu’est l’être humain : un testeur et un explorateur.
Pour ma part, j’ai 3 situations qui peuvent me contraindre de pratiquer une forme de VEO mais qui sont pour le bien de l’enfant :
– la santé : ma fille a dû faire une radio. Je devais lui tenir le crâne alors qu’elle hurlait car elle voulait bouger sa tête. Mais c’était pour sa santé
– la sécurité : elle suivait un papillon et s’est retrouvée sur la route. J’ai dû lui prendre le bras de force car il y avait un risque avec des voitures.
– le respect d’autrui : elle souhaite parfois prendre des jouets d’autres enfants, qui ne le souhaitent pas forcément. J’interviens et, de facto, je limite son besoin à elle.
Soyons pratiques ! Peux-tu nous donner des exemples de moyens mis en place pour éviter les VEO constatées ?
Je peux partager deux exemples concrets : le coucher et une gifle donnée à un enfant.
Pour le coucher, les enfants adorent les rituels. Mais comme dit plus haut, un enfant adore les règles mais pas les limites. Donc le moment du coucher peut vite déraper et être un terrain de VEO. Dans le rituel du coucher avec ma fille, il y a 4 « moments » : le lavage de dents, le pipi, le câlin et le dodo. Le cadre de la routine est connu et partagé mais je n impose pas forcément l’ordre car ce n’est pas important. Je favorise de « laisser la liberté dans le cadre » car cela aide à l’appropriation. N’oublions pas que l’enfant teste le monde, pas le parent.
Autre exemple, celui de la gifle. Déjà n’oublions pas que, par définition, on ne frappe pas ! Et encore moins un enfant. Une gifle est donnée car l’enfant ne range pas sa chambre ou est insolent. il est possible, entre autres, de :
1/ Transposer le geste à l’adulte pour favoriser la prise de conscience : « ma réaction première n’est pas adaptée »
2/ Se poser les questions suivantes : « quel est l’enjeu ? » et « Qu’est ce que je ressens ? »
3/ Enfin, verbaliser avec la technique de la CNV (Communication Non Violente) : je ressens de la colère / mon besoin (d’harmonie liée au rangement par exemple) n’est pas pris en compte / j’explique à l’enfant. Cette approche réveille l’empathie de l’enfant et souvent il va accepter de ranger. Parfois, il a besoin qu’on l’accompagne, qu’on le fasse avec lui.
Quelles sont les conséquences chez l’enfant de ces VEO ?
Plus que des mots, je préfère partager l’affiche du site web « Apprendre à éduquer ».
Comment les parents peuvent-ils évoluer sur les VEO ?
La première des choses consiste en la prise de conscience. Ce n’est pas dans l’immédiat de répondre à « je ne vais plus en faire » ni à « comment vais-je réussir ? » mais d’être capable d’analyser ce qu’il se passe. Dire à son enfant « Si tu ne termines pas ton assiette, tu n’auras pas de dessert » est une forme de VEO. Il est essentiel d’être bienveillant envers soi. Prendre conscience de ce que l’on dit ou fait, par réflexe, des conséquences sur l’enfant, pour ensuite entamer une démarche de « re-programmation » de notre fonctionnement.
Comment éviter que les parents prennent l’intégration de la non utilisation des VEO dans leur quotidien comme une nouvelle injonction ?
Comme l’indique Marion Cuerq, « l’éducation non violente n’est pas une mode mais un droit humain fondamental ». L’injonction réside sur le « comment ne pas faire ». Là encore la bienveillance est de mise. Le parent parfait n’existe pas. L’erreur est dans l’apprentissage et on nous a peu appris sur les VEO. Et ce n’est pas parce que l’on crie sur son enfant que sa vie est foutue ! L’enfant possède une capacité de résilience incroyable. Il est capable de comprendre que l’on a fait une erreur… Encore faut-il qu’on le lui dise !
Un enfant est par nature emphatique. Sur l’exemple de l’enfant qui ne termine pas son assiette, on pourrait plutôt dire à son enfant « Je me suis énervé car tu n’ as pas terminé ton assiette. J’ai peur que tu ne manges pas assez. Mais si tu me dis que c’est OK pour toi, que tu as assez mangé, c’est OK pour moi ».
Verbaliser nos émotions de parents nous permet de révéler notre potentiel d’empathie. Cela revient à réveiller son « enfant intérieur » qui nous dit « Je veux prendre soin de moi pour mieux prendre soin des autres ». La plus grande preuve d’amour, c’est d’avoir l’énergie d’aimer. Dans le couple, il est essentiel de beaucoup parler de son niveau d’énergie, de sa charge mentale. Nous avons beaucoup tendance à être dans l’acception vis-à-vis de l’enfant et à être intransigeant vis-à-vis du parent. Faisons-nous confiance et faisons confiance en la résilience de l’enfant.
Pourquoi, selon toi, sont-elles encore utilisées ?
C’est avant tout culturel. Les VEO trouvent racine dans le Code Civil (qui date de Napoléon) qui donne droit à la correction de l’enfant. On est donc du point de vue de l’adulte. Il faut changer de paradigme et passer au point de vue de l’enfant. Ce n’est pas retirer le droit à la correction aux parents mais donner aux enfants le droit à l’éducation non violente. Dans notre société, on pointe du doigt, à juste titre, les différences en « isme » (sexisme, racisme, …). Mais les grands oubliés sont les enfants victimes d’adultisme, entre autres.
En Suède, les VEO sont interdites depuis plus de 40 ans. Et en France depuis…. 2019 !! Notre génération de parents, contrairement aux précédentes, a la chance d’avoir de nombreuses ressources disponibles. C’est à nous de nous en saisir pour changer les modèles éducatifs qui se reproduisent depuis des siècles.
Il y a donc un long chemin à mener pour changer l’approche culturelle sur le sujet et faire en sorte d’éviter les VEO. Cela passe par la sensibilisation puis l’accompagnement des parents pour leur donner des clés (ce que préconise d’ailleurs le rapport des « 1000 premiers jours de l’enfant »). A un parent qui gifle son enfant, on peut aisément dire « Et alors, j’en ai reçu aussi, et je n’en suis pas mort ». Mais c’est faux, il y a une partie de l’enfant qui est mort. L’enjeu est encore une fois dans la prise de conscience. Que le parent qui met une gifle à son enfant s’interroge. « Je ressens quoi ? » « Quel est l’enjeu ? ». Et finalement, c’est souvent un enjeu de pouvoir et d’obéissance qui se cache… En prendre conscience, c’est renouer avec l’amour et l’empathie.
Peux tu nous dire par quel chemin tu passes pour éviter les VEO ?
Toujours commencer par interroger son niveau d’énergie. Si le parent n’en a pas suffisamment, on lâche. On reviendra sur le sujet plus tard et on le verbalise en expliquant à l’enfant.
S’interroger sur le temps que nous avons à disposition. Souvent, les parents, pour « justifier » des VEO, disent « je n’ai pas le temps ». Alors que non, c’est plutôt « Je ne prends pas le temps ». C’est différent. Pensons sur la durée : toutes ces démarches avec l’enfant, plus saines, sont un investissement pour demain…
Et enfin, essayer au maximum d’interroger l’enfant et de l’impliquer. Il sera quasiment toujours partant !!
Et enfin, quelles sont les sources intéressantes que tu conseilles sur les VEO ?
Elles sont nombreuses et passionnantes et certaines permettent d’éviter les VEO. Il y a eu le documentaire « Même qu’on naît imbattables », un véritable tsunami, une révélation pour moi. Le documentaire de Stéphanie Brilland sur « le cerveau des enfants » est une plongée très bien faite dans les neurosciences. Enfin, le livre de Fanny Vella « Et si on changeait d’angle » et le travail de Virginie Maillard (avec des solutions accessibles, à retrouver sur son blog « Bougri brouillons » !) sont aussi très bien faits pour mieux comprendre et essayer de supprimer les VEO de notre quotidien. Enfin, il y a le livre « le drame de l’enfant doué » d’Alice Miller et « La fessée » d’Olivier Morel qui sont aussi des ressources très instructives et accessibles.
Et vous ? Quelles sont vos astuces pour éviter les VEO ?
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