Dans une société en pleine mutation, la question du stéréotype de genre est un point clé. Car il remet en question un héritage de centaines d’années. Pourtant, s’interroger sur cette question c’est ouvrir le champ des possibles sur une nouvelle parentalité, plus équilibrée et plus juste. Avec de nouveaux rôles à écrire pour les pères et les mères. Et si c’était possible ? Nicolas Gaud, pédopsychiatre, passionné sur la question des stéréotypes de genre, nous partage son analyse et ses idées pour ré-inventer le duo stéréotype de genre et parentalité.
Nicolas, peux-tu te présenter ?
Avec mon mari, je suis l’heureux papa d’une petite fille de deux ans. Je suis pédopsychiatre au CHRU de Lille et donc plus spécialisé sur l’enfant et l’adolescent. Et j’ai une expertise plus spécifique sur les crises psychiatriques aigües de l’adolescent. Enfin, j’ai un sujet qui me tient particulièrement à coeur, en tant que papa, citoyen et pédopsychiatre : les stéréotypes de genre.
Alors justement, parlons du duo stéréotype de genre et parentalité : Comment se traduit-il ?
Au-delà de la question de la parentalité, le stéréotype de genre c’est la différence entre d’une part ce qui est du fait de son sexe biologique et d’autre part du rôle social souvent imposé de manière inconsciente. C’est souvent la résultante d’une histoire sociétale qui amène à définir certains comportements, certains choix, certaines positions, certaines activités ou engagements dans la vie par le sexe biologique… alors que cela ne le devrait pas ! Concrètement, cela se traduit par le fameux « les filles aiment le rose et les garçons le bleu ». Ou « les petits garçons aiment les camions de pompier et la bagarre et les petites filles aiment jouer à la poupée et à la dinette ». Puis à l’âge adulte, cela se transforme en « une fille, c’est vulnérable et émotive et le garçon c’est fort et sans émotion » ou en « une fille pleure et le garçon ne pleure pas », …
Cela se traduit également par une évolution de carrière des femmes moins « dynamique » que celles des hommes car entrecoupée par la maternité. Car il est attendu que la femme privilégie sa maternité à sa carrière… Et ça, c’est un vrai stéréotype de genre.
Et les stéréotypes de genres se traduisent aussi par les violences des hommes faites aux femmes où la violence de certains hommes est banalisée car il est entendu qu’un homme « doit être dominant ».
Le duo stéréotype de genre et parentalité se traduit par la croyance que les femmes savent mieux s’occuper des bébés et des enfants, que c’est la maman qui apporte la sécurité affective. Quand l’image du papa reste celle de celui qui ne sait pas s’y prendre.
Quelles sont les conséquences sur la répartition des rôles entre les pères et les mères ?
Si les parents ne s’interrogent pas sur leurs places auprès de l’enfant, ils risquent de reproduire naturellement le schéma classique : une maman très présente et un papa qui a du mal à trouver sa place. Ce qui engendre un déséquilibre qui se créé naturellement entre la mère et le père avec une charge de travail plus portée par l’un que par l’autre.
Mais chacun peut se demander quel parent il a envie d’être. C’est un vrai choix, une responsabilité commune. Et c’est une vraie décision de la mère ET du père.
Pourquoi le modèle « classique » de la parentalité est-il questionné aujourd’hui ?
C’est, je pense, l’héritage des mouvements féministes. C’est parce que l’on s’est questionné sur « qu’est ce qu’être une femme » que l’on peut aujourd’hui s’interroger sur « qu’est ce qu’être un homme ? » et « qu’est ce qu’être des parents ? ».
C’est désormais à chacun d’être responsable. Avec ma fille, je lui explique qu’être une fille n’implique pas d’acheter que du rose ou des froufrous. Mais que si je lui achète une robe rose, c’est parce que je la trouve jolie, pas parce qu’elle ne doit porter que ça « parce que c’est une fille ». Et qu’elle n’est pas obligée de choisir que des jouets « dit de fille ». Ma responsabilité est de lui proposer un choix de jouets. Et de lui apprendre que pour toute sa vie, elle a le choix. Et donc qu’elle est libre. De décider de la femme qu’elle a envie d’être. En espérant qu’un jour, on puisse juste choisir quelle personne on a envie d’être, sans aucun lien avec son sexe biologique.
Quels seraient les bénéfices de ce nouveau schéma pour les femmes ?
Pendant très longtemps, la société a valorisé les femmes uniquement dans leur rôle de maman. Sauf que ce qui fait la valeur d’une femme n’est pas exclusivement son rôle de maman. Il y a une responsabilité en entreprise et politique pour faire en sorte que les femmes puissent être valorisées ailleurs que juste dans la sphère familiale.
Cela permettrait également aux femmes de vivre leur maternité avec moins de culpabilité. Certaines femmes ne se sentent pas « maman » à la naissance de leur enfant et le vivent très mal, elles culpabilisent. Mais plusieurs études démontrent que l’instinct maternel n’existe pas, c’est une représentation sociale liée au stéréotype de genre.
Chaque parent, la mère comme le père, est aussi responsable du foyer et de la sécurité affective des enfants. Ce n’est pas juste à la mère de porter ça.
Et on parle beaucoup de responsabilité dans le sens de « choses à faire ». Mais c’est aussi la responsabilité de prendre soin de soi, d’avoir une vie sociale. Et l’enfant a besoin que sa mère prenne soin d’elle ! Et la mère pourra le faire quand le père prendra pleinement son rôle à bras le corps.
Tu as des idées pour contribuer à lutter à cette meilleure égalité femme/homme dans la parentalité ?
On pourrait déjà créer un congé parental commun (inspiré des pays scandinaves). Qu’une femme puisse avoir un congé maternité avant et après la grossesse, c’est normal. D’ailleurs, on devrait plutôt l’appeler un arrêt maternité, ce n’est pas vraiment un congé ! Mais qu’ensuite cela devienne un congé parental commun, auquel le père aurait aussi droit, sur la même durée que la maman. Cela règlerait beaucoup de problème, j’en suis persuadé.
Il y a aussi tout un sujet sur l’allaitement maternel qui exclut le père dans la relation avec l’enfant. Et qui est de surcroit une charge très lourde pour la mère. La mère qui doit absolument nourrir son bébé au sein, c’est une pure représentation sociale ! On est en plein dans le stéréotype de genre. Il n’y aurait que la mère en capacité à nourrir son enfant ? Non, on peut faire aujourd’hui autrement. Si des parents tiennent absolument à ce que leur bébé soit allaité de manière naturelle, la maman peut aussi tirer son lait pour le mettre en biberon que le papa pourra donner au bébé.
Il est aussi important d’essayer au maximum de partager le temps entre la maman et le papa. Même si en absence de long congé paternité, ce n’est pas évident pour le père. Mais déjà d’essayer de prendre le relais, avoir la démarche, c’est déjà un mieux.
Il y a aussi des combats à mener, même si cela évolue, dans les cas de séparation où l’enfant est confié quasiment uniquement à la mère. Pourquoi ? Le père n’est-il pas capable ? Il n’y a aucune raison valable pour justifier un tel choix…
Comment un papa peut-il, selon toi, trouver sa place auprès de ses enfants aujourd’hui ?
Quand l’enfant est en situation de détresse, c’est aussi au papa de gérer. C’est se mettre en situation de « je suis capable de sécuriser mon enfant ». C’est éviter le fameux « bah vas voir Maman là ». Et d’ailleurs, il est également fondamental que la maman réussisse aussi à ne pas accourir quand l’enfant a besoin. Et qu’elle laisse au papa le soin de gérer la situation.
Là aussi, penser que « la fonction douce », le fait de rassurer l’enfant, n’est incarné que par la maman est un stéréotype de genre. Elle peut tout aussi être portée par le papa. D’ailleurs, on voit bien dans les familles homoparentales que les « fonctions douces ou cadrantes » ne sont pas incarnées par la mère ou le père. Mais bien indifféremment par les deux mamans ou les deux papas. Ce n’est donc pas lié intrinsèquement au sexe biologique mais à une croyance, à un stéréotype de genre… Donc oui, les papas, vous avez le droit d’être aussi celui qui est doux et qui rassure l’enfant !
Enfin, Il y a aussi l’aménagement dans la carrière professionnelle qui peut être fait par le père, là où pendant longtemps, ce « choix » était uniquement porté par les mères (comme peuvent le faire certains papas comme Corentin ou Antoine , qui ont réussi à aménager leurs jobs, ou Maxime, commercial, qui a négocié avec son boss de ne plus faire de déplacement).
Mais là encore, la première des choses pour le papa pour trouver sa place, c’est se poser la question, seul et avec sa (ou son) conjoint.e de quel rôle il a envie… C’est déjà une première grande marche de montée.
NB : dans un prochain article, et après le duo stéréotype de genre et parentalité, nous évoquerons avec Nicolas la question du stéréotype de genre et de l’enfant. Ou comment l’accompagner au mieux pour avoir le choix et être le plus libre possible.
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