Pour les parents, le jeu devient rapidement une activité futile ! Qui n’a de sens que lorsque l’enfant n’a plus rien d’autre à faire (école, devoirs, activités extra-scolaires…). Pourtant le jeu n’a pas besoin d’être éducatif pour stimuler le développement moteur de l’enfant. En jouant, les enfants développent leurs capacités sociales, leur communication, leur confiance et l’estime d’eux mêmes. En jouant, l’enfant va structurer sa pensée et acquérir des capacités importantes pour les apprentissages scolaires. Que ce soit pour les bébés ou les enfants, le jeu s’apparente à la découverte du monde. Et surtout, le jeu est propice aux échanges entre pairs, au lien enfant-parents. Nathalie Vancraeynest, maman belge, est coach, experte dans le coaching scolaire et parental (Grandir en Confiance) et auteure. Elle partage avec nous ses conseils pour mieux jouer avec son enfant.
Nathalie, peux-tu te présenter ? ton parcours ? comment est née ton envie de développer des actions pour aider la relation parent enfant ?
Pendant 20 ans, j’ai accompagné des personnes licenciées dans leur recherche d’un nouvel emploi. En 2007, j’ai finalement pris conscience que j’avais réalisé un tas de choses par devoir et non par choix.
J’ai alors repris des études de coaching… et remis ma vie professionnelle sur la route que j’ai choisie. Mon parcours personnel et professionnel m’ont amenée à me former pour accompagner les jeunes dans la découverte et l’émergence de leur potentiel, la construction de leur socles de vie. Durant mes 20 années dans le recrutement et le reclassement professionnel, j’ai pu constater que beaucoup d’adultes manquaient d‘estime d’eux-mêmes et que ce manque était aussi à l’origine des difficultés professionnelles et relationnelles qu’ils vivaient. De plus, en tant que maman, je me suis beaucoup investie dans le développement des enfants et comment leur donner toutes les facilités que confère une bonne estime de soi.
Lorsque nous sommes parents, on peut parfois être dépassé par l’offre importante des jeux. Selon vous, comment choisir le bon jouet ? Quels jeux choisir en fonction de l’âge de l’enfant ?
Avec les jouets, il est important de ne pas confondre qualité et quantité. L’âge sur les emballages est un indicatif. Il est toujours flatteur pour les parents de recevoir des jeux pour un peu plus que l’âge de l’enfant. Par contre, pour l’enfant, cela peut être frustrant de recevoir un jeu dans lequel il ne peut pas s’investir, car il n’en a pas encore les capacités. L’enfant progresse avec le jeu, mais le jeu ne le fera pas progresser s’il n’est pas prêt. Au contraire, et à long terme, si cela se répète il peut même en venir à une conclusion erronée « je ne suis pas capable » ou de « je déçois mes parents ».
Les premiers jeux de l’enfant sont son corps et sa voix. Dans un premier temps, le bébé découvre les sensations, les émotions, tout à la bouche. Chez l’enfant, le jeu est toujours synonyme de découverte.
Et quels sont les jeux à choisir en fonction de l’âge de l’enfant ?
Le jeu devient moteur lorsque le désir de l’enfant le pousse à attraper le hochet, à se retourner, à ramper.
Entre 0 et 18 mois, le bébé agit pour découvrir, il répète pour mémoriser, il enchaîne les actions pour comprendre.
A partir de 18 mois, ils font preuve d’une grande excitabilité et ils ont besoin de bouger. Privilégiez les jeux qui demandent une activité motrice : tricycle, bloc, ballon, toboggan, tunnel… Et pour le retour au calme, il y a toutes les activités de psychomotricité fine: coloriage, pâte à modeler, découpage…
Vers 2, 3 ans, l’enfant développe ses habiletés motrices et langagières. Il veut tout avoir, il crie, il tape, il jette, il maîtrise les objets. Sans abandonner ses premiers jeux, il se représente le monde en racontant, en jouant à faire semblant. Il aime les déguisements, le téléphone, les jeux de docteur, cuisinière, les établis, les garages … Il aime faire semblant, le fameux « On disait que… ». Le jeu est l’expression même de leurs préoccupations…
Jusqu’à 4, 5 ans, les enfants jouent seuls, ils ne s’accordent pas avec les autres, ils jouent à côté.
Vers 7 ans, arrive le temps des jeux avec des règles, ils aiment les jeux de société, les jeux de groupe.
À l’adolescence, les jeux vidéo sont plébiscités. Ils permettent de se mettre en scène, d’extérioriser son excitation, d’exprimer son agressivité sans mettre les autres en danger.
Quels sont les points clés que le parent doit avoir en tête pour jouer avec son enfant ?
Jouer avec son enfant n’est pas si difficile. Il y a, selon moi, quelques points à garder en tête :
- Le livre trouve sa place dans la relation parent enfant à partir de six mois.
- Le jeu doit être simple pour favoriser l’activité de l’enfant
- Le jeu reste un jeu, pas de performance
- Le jeu s’arrête lorsqu’il humilie, qu’il détruit, qu’il fait mal à l’autre et l’adulte est le garant de la sécurité
Quels sont les « bénéfices » de jouer pour l’enfant ?
Jouer c’est apprendre ! En jouant, il découvre et comprend le monde, ses émotions, celles des autres, il se socialise, il découvre ses capacités, les limites, les règles.
En jouant, l’enfant développe ses capacités à apprendre, se socialiser, acquiert des compétences cognitives, langagières, affectives.
Il exprime son monde intérieur. Par le jeu symbolique, il s’attelle à comprendre le monde, à surmonter ses peurs. Il s’affirme, construit sa personnalité. Le jeu lui apprend à gérer la frustration, accepter que les autres gagnent, savoir perdre avec fair-play, attendre son tour…
Que peut-on faire, lorsqu’un enfant possède beaucoup (trop) de jouets ?
C’est l’une des remarques le plus souvent émises en consultation « avec tous les jouets qu’il a, il ne joue pas, il est blasé »
Une enfant qui a trop de jeux ne joue pas, il papillonne ! Mais il ne peut pas s’investir. Il ne peut pas nourrir de relation avec le jeu. Il ne les expérimente pas. Quatre jeux c’est déjà beaucoup lorsque l’on a moins de deux ans. Et même après deux ans…
Pour mieux accompagner l’enfant dans sa relation aux jouets, je recommande de :
- Ranger les jeux dans une armoire, laissez l’enfant jouer avec deux ou trois jeux le temps qu’il s’en lasse (cela peut durer très longtemps)
- Demander à la famille de décaler les cadeaux
- Préparer les enfants aux imprévus et aux surprises
Comment les parents peuvent ils jouer avec son enfant ?
Les parents n’ont pas besoin d’être des partenaires de jeu continuels . Le bébé seul dans son lit vocalise, suçote…
L’enfant guide l’adulte dans son jeu, mais l’adulte n’impose jamais, il n’interrompt pas le jeu sauf danger.
Je conseille :
- De ne pas proposer de surcharge de programme. Les enfants ont besoin de l’ennui pour imaginer, créer et jouer
- De délimiter un espace dans la pièce de vie pour jouer
- De laisser l’enfant jouer seul de temps en temps. Vers 5, 6 ans, l’enfant qui a une bonne confiance en lui ira de lui-même jouer à l’écart des adultes.
- De ne pas oublier qu’un enfant qui joue est un enfant qui déstresse
Et jouer avec son enfant à l’extérieur, c’est une bonne idée ?
C’est même une super bonne idée ! Nous devrions tous aller jouer au parc en revenant de l’école. Balançoire, toboggan, cage à poules, manège, jeu de cache-cache, loup, marelle, corde à sauter, élastiques, billes, osselets, ballon, grimper, sauter, courir…
Pour apprendre, notre cerveau a besoin de mouvements, d’oxygène…
Et ce n’est pas une histoire de météo. J’aime assez la philosophie des pays nordiques sur le sujet. Ils disent qu’il n’existe pas de jeux ne pouvant être joués dehors mais des vêtements adaptés permettant d’être toujours dehors !
Et les jeux vidéo et les écrans dans tout ça ?
Avant 3 ans, l’enfant a besoin de repères spatiaux et temporels, de manipulation et de motricité. Les écrans sont donc définitivement à proscrire !
Entre 3 et 6 ans, on peut commencer à introduire les écrans mais avec des limites et des jeux adaptés. Et il est conseillé de ne pas dépasser les 15 minutes par jour d’écran grand maximum.
De 6 à 9 ans, on peut imaginer un temps d’écran de moins de 30 minutes par jour. Cela leur permet aussi de ne pas être totalement déconnecté de la réalité des copains.
Après 9 ans, 1 heure d’écran par jour est l’idéal.
Il est important de ne pas oublier que :
- Les écrans rendent l’enfant passif
- Des explications et des limites parentales doivent accompagner l’enfant avec l’écran
- Il est primordial d’accompagner et d’encadrer
Quels sont les avantages à jouer avec son enfant en famille ?
Le jeu est déjà une bonne idée pour établir l’égalité (dans le jeu pas dans les rôles réels). La règle est la même pour tous. C’est important pour comprendre que la règle, la loi est sécurisante, car elle est la même pour tous.
Le jeu permet également à l’enfant de découvrir ses parents. Et aux parents de découvrir ses enfants différemment ! Cela renforce leur attachement mutuel.
Le jeu peut aussi aider à l’enfant à dédramatiser des situations. Dans le jeu symbolique, l’adulte peut faire le « bouffon », exagérer une situation (l’enfant a eu peur de quelque chose l’adulte accentue cette peur pour lui . Par exemple : l’enfant a eu un vaccin et il a pleuré. Le soir, il veut faire des piqûres aux parents, ceux-ci seront bien avisés de faire semblant de pleurer, de vouloir s’enfuir… jusqu’aux éclats de rire de l’enfant)
En synthèse, jouer avec son enfant est un formidable moment pour réguler les émotions (voire sortir d’une impasse émotionnelle), pour souder la famille, pour transmettre des savoir-faire, des valeurs, des souvenirs (sans faire dans le « de mon temps »), pour poser les limites, évacuer des tensions, …
Et vous, quelles sont vos astuces pour jouer avec son enfant ?
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